225 - Preuve élémentaire du théorème d’Erdös sur les isocèles ou exemple générique d’une méta-stratégie

N. Lygeros

Le problème d’Erdös sur les isocèles dans le plan s’énonce de la manière suivante : combien de points du plan en position générique (i.e. trois points ne sont jamais alignés) peut-on construire de façon à ce que chaque triplet possible soit un triangle isocèle ?

Une première remarque sur la nature de cet énoncé est qu’il ne donne aucune information à l’intuition sur le nombre possible. Car pour celle-ci, la notion de triangle isocèle ne semble pas trop contraignante. Ce qui ne serait pas le cas pour des triangles équilatéraux qui sont effectiment très rigides. Seulement comme nous allons le voir par la suite les isocèles sont en réalité une sous-structure locale qui va imposer de telles contraintes à la structure globale que celle-ci sera nécessairement réduite.

Par un raisonnement uniforme, il est relativement aisé de trouver une structure qui comporte six points. En effet la configuration du pentagone régulier étoilé, grâce à sa symétrie, montre de manière générique qu’elle vérifie cette propriété. Ainsi le nombre de points recherché est au moins égal à 6.

Regardons à présent ce qu’il en est pour la majoration de ce nombre. Considérons trois points du plan qui constituent un triangle isocèle et posons-nous la question de savoir où l’on doit placer le quatrième point. Un argument élémentaire de géométrie indique qu’il n’y a que cinq possibilités pour placer ce point. Plus précisément il s’agit du centre du cercle inscrit, du point sur l’intersection de l’axe de symétrie du triangle et des cercles de centre le sommet isocèle et de rayon l’un des côtés égaux, du symétrique du point qui correspond à l’angle unique du triangle isocèle et des deux points symétriques qui se trouvent à l’intersection d’une médiatrice et d’un cercle. Par ce procédé nous montrons que le nombre recherché est au plus égal à 8. Seulement parmi les points canditats, trois se trouvent sur la même droite qui passe par le point isocèle. Ainsi il faut éliminer deux d’entre eux. Nous avons donc démontré que le nombre recherché est au plus égal à 6.

La combinaison de ces deux raisonnements prouve que la plus grande structure qui puisse vérifiée la propriété recherchée a exactement 6 points. Ce résultat représente un exemple génériqur de ce que nous pourrions appeler des mathématiques cognitives à savoir la donnée d’un problème dont la compréhension de l’énoncé ne nécessite que des connaissances élémentaires et dont la résolution est basée sur un raisonnement non uniforme qui permet d’aboutir de manière élégante au résultat sans passer par des calculs complexes. La puissance du raisonnement suffit à la résolution du problème.

Dans ce contexte, il est clair, que du point de vue didactique, l’aspect le plus important est celui du schéma mental de la démonstration. Celui-ci est basé d’une part sur l’explicitation d’un exemple constructif et d’autre part sur l’exploitation d’une configuration générique et la finitude géométrique du nombre de points candidats. En d’autres termes, et de manière plus générale sur le plan de l’heuristique, il s’agit de mettre en évidence une structure intrinsèque et de lui associer ses singularités génériques afin de réduire l’espace de complexité du problème. La compréhension de cette stratégie ainsi que son développement sont l’objet du méta.