2416 - Du Christ de Verrocchio à l’ange de Leonardo da Vinci
N. Lygeros
Andrea del Verrocchio (1435-1488) fut le maître de Leonardo da Vinci durant six ans. Verrocchio était à l’origine orfèvre et nous pouvons encore de nos jours, admirer le bas-relief de la Décollation de Saint Jean Baptiste qui fait partie du célèbre autel d’argent du baptistère San Giovanni. Il était aussi maître sculpteur et en particulier bronzier. Et nous retenons de lui la statue équestre du condottiere Colleoni que lui avait commandée le sénat de Venise. Dans son atelier de peintre, Leonardo da Vinci a appris de nombreux procédés techniques en tant qu’apprenti. Il apprit la préparation des panneaux de bois, le broyage des couleurs à la main, la composition du vernis pour la protection des tableaux mais aussi le maniement des outils du sculpteur, le traitement des moulages au pastel, la technique de la sanguine et celle de la pointe d’argent. Cependant à travers cet apprentissage, Leonardo da Vinci a pu exprimer sa propre personnalité d’artiste. Le meilleur exemple c’est sa réalisation dans le tableau de son maître à savoir le Baptême du Christ. La partie dont était responsable le jeune apprenti, représente l’ange agenouillé qui se trouve à l’extrême gauche du tableau. Le choix de cet ange est tout à fait explicite et clair puisqu’il n’est pas essentiel au sujet du tableau et qu’il permet à l’apprenti de se faire la main. Nous remarquons immédiatement le très beau traitement du drapé qui est mis en valeur par le fait que l’ange tourne quelque peu le dos au spectateur. Cette position permet aussi d’admirer le travail de la chevelure qui est déjà tout à fait caractéristique de l’art de Leonardo da Vinci. De manière générale, l’ange de Verrocchio ressemble simplement à un petit enfant. Il a les traits d’un petit garçon qui pose sans conviction devant l’artiste. Et sa posture nous semble désormais quelque peu artificielle. Au contraire, l’ange de Leonardo da Vinci n’a tout simplement rien à voir. Il représente une beauté idéalisée, asexuée et pour ainsi dire divine. Son attitude tout entière le différencie du commun des mortels mais aussi des hommes au sens strict du terme. Il n’est pas une représentation mais une présentation divine. Il n’est pas encore l’ange de l’annonciation mais il se démarque radicalement. Cependant ce tableau nous apporte aussi des éléments que nous ne retrouvons pas dans les oeuvres de Leonardo da Vinci. Ainsi nous avons l’absence de réalisme dans le second plan du côté de Saint Jean Baptiste. Et un flottement dans le troisième plan qui ne nous convainc pas quant à l’association du paysage avec les personnages principaux. Mais le point de divergence le plus important se situe au niveau des pieds du Christ et de Saint Jean Baptiste. En effet leurs pieds sont dans l’eau mais Verrocchio ne montre pas la déformation conséquente de l’interface entre l’eau et l’air. Or ce point représente un refus de la réalité de la nature. Leonardo da Vinci s’efforcera tout au long de sa vie, de son oeuvre et de ses études, de comprendre les caractéristiques de la nature. Il considère qu’il faut suivre l’exemple de la nature qui représente le seul maître à suivre pour le véritable artiste. Aussi ce tableau montre l’apport et les limites de l’apprentissage du maître Verrocchio.