2450 - De l’essence à la thérapie
N. Lygeros
Dans le cadre d’un recours à la Cour Européenne des Droits de l’Homme, il existe deux notions fondamentales pour le requérant à savoir l’essence et la thérapie. La première représente l’affaire juridique proprement dite tandis que la seconde est la somme à lui verser comme remboursement de la non jouissance d’un droit. Ces notions n’ont pas de sens séparément car l’essence sans la thérapie ne produit pas d’impact sur l’accusé et la thérapie sans l’essence ne serait qu’arbitraire.
Dans le cadre de la problématique de la reconnaissance du génocide des Arméniens et de la pénalisation de la négation du génocide, certaines personnes et nous ne parlons pas de l’appareil de propagande turc, considèrent que la reconnaissance est suffisante et que la pénalisation va au-delà du droit de liberté d’expression. Indépendamment du fait que ces personnes n’ont manifestement pas connaissance des étapes de ce que nous nommons le processus de réparation, elles ne se rendent pas compte que l’ensemble du Conseil de l’Europe à travers les jugements de la Cour Européenne des Droits de l’Homme suit exactement le schéma mental de la reconnaissance et de la pénalisation. En effet les notions d’essence et de thérapie sont tout à fait analogues à celles-ci. Car l’essence en tant que jugement représente justement la reconnaissance de la plainte du requérant. Ainsi par ce biais la Cour Européenne des Droits de l’Homme lui donne raison. Quant à la thérapie, comment ne pas voir en elle la notion de pénalisation puisque l’accusé doit rembourser financièrement et non symboliquement le requérant car il a bafoué ses droits. Et l’ensemble des cas que nous avons eus et que nous traitons en tant que fondation qui correspondent à des recours à l’encontre de la Turquie pour non jouissance de propriété, appartient à ce même registre. Or malgré les pressions de la Turquie, personne ne conteste ce droit de recours. Il est de plus possible d’affirmer que bien que la Turquie l’accepte de manière indirecte puisqu’elle ne s’est pas contentée de respecter les décisions de justice mais qu’elle a bien payé la thérapie. Aussi quelle est la difficulté d’ordre éthique au niveau de la liberté d’expression ! Les cas sont essentiellement des conséquences de la colonisation qui est un crime de guerre sur le plan du droit international. Alors on voudrait nous faire croire qu’il n’est pas possible d’obtenir une nomologie analogue dans le cas du génocide des Arméniens qui est un crime contre l’humanité ? Il est évident dans le cadre de ces éclaircissements sans doute trop formels pour certains, que l’argument sur la liberté d’expression n’est pas valable. Il est irrecevable car une configuration juridique de moindre importance – relativement parlant bien sûr – est déjà en place et que le même accusé principal à savoir la Turquie, ne la rejette pas. Pour répondre donc à ce type d’objection, il nous faudra utiliser les notions d’essence et de thérapie. Elles ont le mérite d’exister, d’être acceptées par la communauté internationale, et surtout d’être efficaces pour le requérant.