256 - Intelligence, algorithmes et méta-stratégie
N. Lygeros
Traduit du Grec par A.-M. Bras
En poursuivant l’oeuvre de Brooks dans le domaine de l’intelligence artificielle, nous modifions le sens de la stratégie en utilisant non plus une intelligence hiérarchique mais un complexe d’éléments qui imitent le comportement cognitif d’une entité complexe.La logique de la pensée classique est que le comportement intelligent est le résultat d’un choix intelligent de l’homme tandis que les résultats les plus récents de la recherche dans le domaine de l’intelligence artificielle et plus généralement de l’informatique avec la théorie des algorithmes génétiques démontrent que des règles même élémentaires si elles sont appliquées à une population critique (au sens de la taille) peuvent transformer son comportement de manière à ce qu’il soit interprété comme le résultat d’une pensée humaine.Les premiers algorithmes de recherche utilisaient des idées théoriques simples en ce qui concerne leur stratégie. En tentant de remplacer une pensée humaine elles n’ont réussi en réalité qu’à l’imiter : même forme mais sens différent. Ainsi les algorithmes du type backtracking et forward checking n’étaient pas basés sur une idée cognitive de l’intelligence. Car simple ne signifie pas simpliste.La révolution dans ce domaine est venue d’une idée relativement simple. L’intelligence ne provient pas nécessairement d’une entité intelligente mais d’une collaboration intelligente d’éléments simples. L’efficacité de cette idée a été immédiatement démontrée. Son sens révolutionnaire a permis un autre système de programmation. Celui-ci ne tente plus simplement d’améliorer une partie d’une solution qui modifiée finit par atteindre après un certain temps la solution finale. Le raisonnement de cette idée est totalement différent et est basé sur la génétique théorique.La liberté plus grande du système permet de trouver une solution globale quand les systèmes classiques ne peuvent pas même l’approcher. Mais il n’y a pas que ce résultat, il y a aussi la vitesse. Ces nouveaux algorithmes sont beaucoup plus rapides que tous les autres dans de nombreux problèmes complexes. Non seulement ils ont réussi à résoudre des problèmes théoriques mais aussi des problèmes pratiques avec des temps de calcul qui dépassent l’imagination (problème de Gauss). En interprétant ces algorithmes de manière cognitive nous avons découvert qu’il existe aussi des conséquences dans le domaine de la recherche stratégique pour une équipe constituée uniquement d’humains. C’est en particulier le cas pour la phase que nous nommons brainstorming. Avec cette nouvelle idée, chaque individu qui constitue cette équipe de recherche ne tente pas de valoriser sa propre personne (une tendance qui conduit uniquement à la compétition) mais tente de manière dynamique d’offrir aux autres un cadre de valorisation de leurs compétences. Ainsi le comportement de l’équipe n’est plus individualiste mais global. Tous recherchent la même solution sans tenter de la trouver par eux-mêmes.Sur le plan stratégique la gestion du problème est totalement différente de l’attitude classique. Ce n’est pas l’individu qui est l’élément essentiel, mais le complexe. Le système hiérarchique ne fonctionne plus car l’équipe a besoin dans un premier temps d’une liberté absolue. Pourtant la cybernétique demeure. C’est l’unique forme de contrôle qui permet au système de se retrouver dans une phase chaotique au sens des fractals. Ainsi la stratégie se transforme en une méta-stratégie qui n’est pas simplement un épiphénomène du processus. La méta-stratégie est l’intelligence du groupe. Les pions quand ils sont nombreux sont plus puissants que la pièce car ils constituent un complexe noétique.