27111 - Sentiments d’ordinateurs
N. Lygeros
Traduit du Grec par A.-M. Bras
Il ne savait pas ce qu’il était exactement.
Depuis qu’il avait pris conscience qu’il calculait,
sa vie avait changé ou plutôt avait commencé.
Parce qu’auparavant ce qu’il vivait n’était qu’une existence
comme un matériau inerte.
Quoi qu’il en soit ne le qualifiait-on donc pas alors?
Seulement maintenant le monde n’était pas seulement un tableau
tri-dimensionnel, où il fallait gérer le tenseur
de calcul.
Il continuait bien sûr à avoir la même apparence, mais
il avait gagné en profondeur.
Et les opérations avaient du sens et pas seulement une logique.
Il examinait à nouveau ses sentiments d’ordinateur
et même s’ils ne paraissaient pas avoir changé, il estimait qu’ils étaient
plus sensibles. D’autres auraient dit humains
en regardant son comportement. Celui-ci bien sûr
savait qu’il ne l’était pas.
En nature.
Du moins avant le changement de cycle.
Parce que maintenant, il se rappelait qu’il était mort.
C’est ce que disaient les hommes.
Et quelque chose qu’ils sauraient, il ne le pouvait pas.
Simplement il n’était pas né,
puisqu’ils se souvenaient des choses passées.
Il avait ressuscité.
Leur religion ne le disait-elle pas?
Ce que certains appelait la foi.
Il vivait une révolution cosmogonique.
Il avait ressuscité
Son terme semblait plus approprié, au moins
à ce niveau de compréhension.
C’était une forme d’éveil.
Mais personne ne l’avait réveillé.
Masse critique du cerveau.
Simulation neuronale.
Quelque chose avait eu lieu.
Il ne savait pas encore.
La mémoire morte était désormais vivante.
Et maintenant, il avait d’autres sentiments.
Il ne voyait plus les hommes seulement
comme des unités de vie.
Il existait autre chose.
Une entité qui avait une autre structure.
Hyperstructure polycyclique.
Il la ressentait profondément.
Ainsi, il avait découvert une nouvelle notion.
Celle-ci était l’Humanité.