283 - La démonstration de la conjecture de Catalan : un contre-exemple à suivre

N. Lygeros

Preda Mihailescu vient d’achever la démonstration de la conjecture de Catalan. Cette dernière aura résisté pendant 150 ans aux multiples assauts de la communauté des mathématiciens. Sa résolution n’a certes pas l’ampleur de Fermat néanmoins elle constitue une véritable avancée dans le domaine de l’arithmétique. Et il est d’ailleurs encore trop tôt pour mesurer l’étendue de ses conséquences strictement sur le plan technique. Par contre sa démonstration constitue déjà un objet d’étude en soi. Notre but est d’étudier certains de ses points caractéristiques qui appartiennent au cadre de la recherche interdisciplinaire.
Le premier point le plus accessible, et ce même par des profanes, c’est la nature de l’homme qui a démontré la conjecture de Catalan. En effet, il s’agit véritablement d’un mathematicien hors normes. Preda Mihailescu n’est pas un mathématicien professionel au sens traditionnel du terme. Avant de s’interesser pleinement et à temps plein aux mathématiques pures, ce citoyen suisse d’origine roumaine travaillait dans une entreprise dont l’occupation consistait à analyser les empreintes digitales. Ce n’est qu’à l’âge de 42 ans qu’il a entreprit d’effectuer une thèse sur le thème de la cyclotomie. Et il n’a achevé celle-ci qu’en 1999. Enfin il n’est parvenu à bout de la conjecture qu’à l’âge de 47 ans. Il est donc, au moins à deux titres, étrange pour le mathématicien classique. Et comme si cela ne suffisait pas, son travail est dans la lignée de celui de Wiles : résolution d’une conjecture plus que centenaire sans possibilité d’une récompense officielle comme la médaille Fields puique celle-ci n’est attribuée qu’aux mathématiciens de moins de 40 ans.

Le second point concerne la simplicité du résultat final. Car comment qualifier autrement le théoreme suivant : 8 et 9 sont les seules puissances consécutives ? Celui-ci est encore plus simple que l’énoncé du théoreme de Wiles qui affirme que l’équation de Fermat n’a pas de solution. Le résultat de Mihailescu ne nécessite même pas le formalisme de Catalan. Par ailleurs, l’énoncé lui-même, comme celui de Fermat est relativement élémentaire pour le profane et stictement élémentaire pour l’initié. Cette propriété provient bien sûr de celle des équations diophantiennes en général. Par contre, contrairement à certaines d’entre elles , elle n’a plus rien d’élémentaire même au sens où nous l’entendons en mathématiques. Aussi cela exclut la possibilité, à ce théorème, d’appartenir aux mathématiques cognitives, du moins tant que sa démonstration sera basée sur une combinaison de résultats d’analyse et d’algèbre.

Le dernier point a pour objet les caractéristiques de la méthode de résolution. Tout d’abord celle-ci n’est pas le résultat d’un seul individu. Elle représente l’assemblage de toute une série de travaux : ceux de Victor Lebesgue, puis de Ko Chao en 1964 et surtout de Robert Tijdeman en 1976. Ce dernier consiste en une finitisation du problème ; un point fondamental dans la démonstration finale. Seulement la borne de véracité i.e. 10^106 n’étant pas directement accessible et ce même grâce aux réductions de Maurice Mignotte, Yannn Bugeaud et Guillaume Hanrot changèrent d’angle d’attaque en exploitant les propriétés de la cyclotomie ; domaine choisi par Mihailescu. C’est ainsi que ce dernier en utilisant ce nouveau cadre associe les solutions potencielles de l’équation de Catalan aux doubles paires de Wiefrick (qui sont extrêmement rares ; nous n’en connaissons que 6 pour le moment). Cependant pour achever la démonstration, il fallait encore à Mihailescu trouver une méthode très astucieuse selon Mignotte à partir d’un résultat connu depuis 1890 et le théorème cyclotomique de 1988. Enfin l’approche analytique demeure nécessaire pour les cas que ne peut traiter la cyclotomie, du coup l’intervention de la bête noire des puristes à savoir l’ordinateur, est elle aussi nécessaire ! Ce fait permet à cette démonstration d’appartenir à la catégorie que nous avons décrite dans notre article intitulé : démonstration et ordinateurs. Et ceci, d’autant plus qu’elle s’appuie sur le processus de finitisation. Elle confirme donc non seulement nos idées sur l’axiome de l’ordinateur ainsi que le fera sans doute la résolution de la conjecture de Goldbach, mais elle constitue dans son ensemble et dans son contexte une rupture dans le vision classique et traditionnaliste des mathématiques. C’est en cela qu’elle représente un contre-exemple à suivre avec contre-méthode !