285 - L’objectif : un concept méta-stratégique
N. Lygeros
Un objectif est un but fixé pour une personne, une entreprise, une organisation dans l’espoir de l’atteindre. Il représente un état voulu du futur et devient pour l’entité qui l’a choisi, une raison d’agir. Le choix d’un but constitue un préalable essentiel à toute décision stratégique. Pour M.-A. Morsain, c’est une incitation à l’action qui permettra de surcroît d’assurer le contrôle, la vérification, et d’ajuster la stratégie par l’intermédiaire d’actions correctrices. L’objectif est une aide au choix stratégique. Il est donc antérieur à celui-ci et agit de manière catalytique sur lui en tant qu’axiome fondamental. Son entité appartient à la structure stratégique mais non son choix. C’est en ce sens que l’objectif est un concept méta-stratégique. Le choix de l’objectif est par conséquent le résultat d’une théorie méta- stratégique qui comporte des éléments acquis par une méta-heuristique. Le schéma mental de cette dernière a été explicité dans notre article : Un paradigme de résolution créative. Il est basé sur les points suivants :
0) Groupe de réflexion : Le groupe est plus puissant que l’ensemble.
1) Initiative libre : L’initiative libre est capable de trouver même ce qu’elle ne recherche pas.
3) Exploitation de l’erreur : L’erreur est le moyen le plus rapide pour changer une pensée.
4) Brainstorming : La tempête montre les points forts de chacun.
5) Raisonnement non uniforme : La différence fait la différence.
6) Feedback : La conscience est la pensée sur la pensée.
7) Recherche en profondeur : Les trésors se trouvent dans les hauts-fonds.
8) Raisonnement holistique : Le tout voit ce que les parties regardent.
9) Résolution : Chaque problème a son noeud gordien.
10) Méta-heuristique : Apprends à apprendre et tu trouveras ce que tu cherches.
Dans cet assemblage nous pouvons donc déduire plusieurs idées sur l’objectif. Le choix d’un objectif est le résultat d’un processus complexe. Habituellement celui-ci est non seulement non explicite mais tout simplement ignoré. L’objectif est considéré comme un élément initial du processus stratégique d’une entreprise, capable de remplir toutes les fonctions suivantes : ”guide d’actions indiquant à tous la direction à suivre; catalyseur des énergies capable d’impulser réaction et innovation; moyen d’assurer la cohérence du choix stratégique et de contrôler les écarts”. Alors qu’il s’agit d’avoir en tête la citation de Schopenhauer : nous pouvons faire ce que nous voulons mais non vouloir ce que nous voulons, pour saisir le caractère fallacieux de cette définition téléologique de l’objectif. Car la véritable question demeure : quel est le processus du choix des objectifs et qui sont les acteurs ?
Une réponse naïve consisterait à dire que les objectifs sont fixés par la direction générale de l’entreprise après un examen de la situation et une prise de décision rationnelle. La réalité est bien souvent autre. Tout d’abord, la réflexion sur l’objectif ne peut pas être qu’interne, elle doit aussi tenir compte de l’environnement de l’entreprise. Car l’environnement au sens large peut amener à modifier l’objectif pour le rendre adéquat à la situation réelle. De plus l’objectif peut évoluer après l’évaluation des options stratégiques. Ce qui a pour conséquence un conflit décisionnel. C’est en raison de l’ensemble de ces contraintes extérieures que l’entreprise semble plus subir que formuler des objectifs d’où la position de Mintzberg, auteur d’études sur la formation des objectifs, qui considère que la fixation des objectifs résulte plus souvent d’un jeu du pouvoir, d’un marchandage, que d’un processus purement rationnel parfaitement contrôlé par la direction générale. Le choix de l’objectif se réduit à un jeu d’influences. Seulement dans ce cadre, l’entreprise n’est plus qu’un acteur d’une mise en scène qu’elle ne connaît pas. Aussi, si elle désire être innovante, il est nécessaire pour elle, d’utiliser une autre méthode. Car l’inertie associée à un système massif via la mondialisation est énorme. Pour être acceptée, l’innovation doit être désirée par une très forte majorité pour contre-balancer le conservatisme du pouvoir.
Dans un cadre plus algorithmique, sa tâche consiste à modifier la fonction fitness d’un processus génétique. Consciente de l’existence de paramètres extérieurs, elle doit s’efforcer non de prévoir leurs conséquences car cela est bien souvent impossible, mais d’en limiter les effets par le contrôle de leurs actions au sein du groupe de projet. Cela confirme la nécessité d’un travail en amont c’est-à-dire extérieur à la stratégie que suivra l’entreprise au moment de la confrontation de l’ensemble des paramètres. Pour cela, elle doit créer un modèle qui sera le résultat d’une méta-heuristique cognitive selon le schéma que nous avons précédemment proposé. Ensuite celui-ci doit être testé dans le cadre des algorithmes génétiques généralisés. Il apparaît alors quelque chose de surprenant à savoir que l’objectif initial ne doit pas être nécessairement réalisable contrairement à ce que nous indique l’évidence. Il ne doit pas être non plus le meilleur possible. Il doit tenir compte de son évolution future sous la pression des acteurs dont les intérêts peuvent être divergents. Comme dans tout jeu stratégique, le coup doit être pensé avant sa réalisation. Ainsi, l’annonce du premier objectif est essentielle car la méta- stratégie conditionne la stratégie.