324 - Un test de Turing échiquéen
N. Lygeros
A la suite de notre note intitulée Echec aux rois écrite à la fin du match qui oppose l’actuel champion du monde au programme détenteur du plus fort classement ELO (2741) nous avons ressenti le besoin de préciser notre point de vue sur l’intelligence et son rapport avec le jeu d’échecs. Afin de l’expliciter nous allons faire usage en tant qu’expérience de pensée au test de Turing. Celui-ci correspond à un raisonnement non uniforme de la part de Turing afin d’étudier le problème de l’intelligence artificielle. Son point de vue n’est plus celui de la comparaison directe qui est somme toute simpliste mais la création d’un modèle capable de supporter l’isomorphisme de Sidis. En utilisant le langage naturel, un humain doit être capable de faire la différence entre une machine et un humain. S’il en est incapable alors l’équivalence est établie. Nous voyons que par ce biais l’important n’est plus directement ce que nous sommes mais ce que nous semblons être. Turing manipule le modèle de la boîte noire sans chercher à comprendre sa structure interne, il s’intéresse à son comportement externe. Sa problématique est la suivante : quelles sont les réponses convaincantes pour un humain ? Quelles sont les réponses qui suffisent pour tromper ses interrogations ? Car finalement pour la société qu’elle soit de l’esprit ou pas, l’important n’est pas d’être intelligent puisque personne ne sait vraiment à quoi cela correspond mais de le paraître puisque seul le rôle compte dans le théâtre de la vie. Il existe actuellement des solveurs syntaxiques qui parviennent déjà à duper des gens et cela a même soulevé un problème éthique. Cependant ces derniers n’en sont qu’à leurs balbutiements linguistiques et leurs capacités ne cesseront de grandir. Mais notre but est autre et pour cela nous allons restreindre le langage naturel à celui du jeu d’échecs. Un joueur d’échecs qui joue face à un homme ou une machine est-il capable de faire la différence ? Est-il capable désormais de faire la différence entre le calcul froid et la chaleur humaine ? Voit-il une différence dans le domaine de la stratégie ou de la tactique ? Ce que répondent les matches qui ont opposé les meilleurs joueurs du monde aux ordinateurs est fondamentalement et essentiellement négatif. Est-ce surprenant ? Oui, pour la masse qui se contente via un consensus manufacturé par les mass media de considérer le jeu d’échecs comme le jeu de l’intelligence par excellence. Non, pour les autres qui ont déjà connu cette caractéristique à travers le jeu de dames. Car le jeu d’échecs comme celui des dames et celui du go est avant tout un jeu et rien d’autre. Il est vrai que son approche est difficile et sa complexité grande, malgré tout il s’agit d’un jeu combinatoire au sens strict du terme, les autres facteurs bien que psychologiques sont superfétatoires. Aussi il n’est pas étonnant qu’il ne soit pas relié à l’intelligence mais à la mémoire et à la technique. Si les media s’interrogent sur le jeu d’échecs c’est qu’il symbolise l’intelligence pour la masse alors qu’il n’en est rien. Toutes les machines sont plus performantes que les humains pour effectuer des calculs et pourtant cela ne remet rien en cause. Il en sera de même pour le jeu d’échecs et dans le futur pour le jeu de go comme cela fut le cas pour le jeu de dames. Car ces jeux ne sont que des jeux. Ils sont intéressants dans une phase de découverte mais poussés à leur extrême, ils dégénèrent en spécialités. Le propre de l’intelligence humaine est sa polymorphie et non son ultraspécialisation. Tout le monde sait qu’un calculateur prodige n’est pas un génie et personne ne s’en inquiète même si les enfants demandent aux génies de se comporter comme des calculateurs prodiges. L’intelligence artificielle n’est pas l’ennemie de l’intelligence humaine, toutes deux oeuvrent pour comprendre l’intelligence.