327 - Effet de bord, changement de phase et mémoire collective
N. Lygeros
Il est extrêmement difficile de concevoir un phénomène tel que celui de la mémoire collective sans avoir vécu une expérience sinon réelle et complète, du moins mentale et spécifique. Par nature ce type de phénomène, n’est réalisable qu’à l’échelle du groupe, de la société, de la nation. Il ne vit qu’au sein de plusieurs individus suffisamment reliés par une cause externe à leurs propres caractéristiques innées. De plus il s’agit essentiellement d’un phénomène de cristallisation et il sera d’autant plus marqué que les individus auront en tant que substrat mnémique développé des relations entre eux. Formellement nous retrouvons l’apprentissage d’un réseau de neurones. Puisque que seule la structure dans son ensemble est détentrice de l’information holistique qui code la mémoire tandis que les neurones ne connaissent que des opérations formelles. Via un assemblage d’efforts imperceptibles à l’échelle locale, la structure comprend le monde et la mémorise. Nous observons alors un changement de phase qui correspond à la réalisation de l’apprentissage et à la différenciation de l’état de la structure qui passe de l’ignorance au savoir. Cela permet de mettre en évidence le phénomène de la mémoire collective de manière effective. Car cette fois, il n’est plus nécessaire de la constater dans son ensemble et a posteriori mais à l’instant de son changement de phase. Notons tout de même que ce n’est pas pour autant que ce changement est exégétiquement compréhensible car le fait de constater un phénomène n’est pas corrélé avec la capacité de l’analyser, le synthétiser et le comprendre. Surtout qu’il est tout à fait possible que la nature de ce phénomène soit de type avalanche comme nous l’avions indiqué dans notre exemple intitulé : analyse du processus de mythification. Et dans ce cadre, le phénomène n’est compréhensible que de manière globale et holistique ce qui le rend plus complexe à l’échelle de l’individu lorsqu’il concerne un groupe de personnes. Dans cet article qui n’a pas d’autre prétention que de laisser une trace écrite d’une expérience vécue d’un changement de phase collectif, nous ne traiterons que le cas de la présence d’une singularité catalytique dans un substrat enrichi. Aussi certains de nos lecteurs seront capables non seulement de saisir les faits mentionnés mais aussi d’être les garants de leur véracité. La première occurrence de ce type d’expérience eut lieu à Paphos lors d’une conférence intitulée : l’intelligence et le futur de l’humanité. Il est bien évidemment impossible de décrire l’état du public avant la conférence mais celle-ci est parfaitement conservée puisqu’elle a été diffusée à la radio et retransmise à la télévision. De même qu’il serait difficile de décrire l’état de chacune des deux cents personnes, les images et le son parviennent à donner une vision claire du changement de phase global. La seconde eut lieu dans un cadre beaucoup plus restreint puisqu’il s’agissait d’une réunion de huit personnes dans le cadre de Mensa France. Cette fois, tous les participants se connaissaient dans le sens usuel du terme et pourtant le changement de phase était imprévisible du point de vue temporel même si par un concours de circonstances, les présents formaient un milieu cohérent sans pour autant être homogène. Bien plus intellectuelle que la première, cette expérience n’agit pas moins sur les sentiments et les émotions des participants, conscients au fur et à mesure que les heures du dialogue libre et franc passaient, d’un changement irréversible de leur réseau relationnel. Ici encore même si nous pouvons mettre explicitement en évidence certains composants de changement de phase, ce dernier demeure un phénomène holistique. Cependant chacun des participants est conscient d’avoir vécu une expérience de mémoire collective même si celle-ci avait pu sembler abstraite initialement. Ainsi c’est la réalisation d’un effet de bord, ici le changement de phase, qui rend palpable l’ontologie d’une entité abstraite, ici la mémoire collective.