3301 - L’autre apologie
N. Lygeros
Traduit du Grec par A.-M. Bras
Dans la pièce au piano.
Ange : Qu’est-ce que tu lui as demandé, tu dis ?
 Agathe : Mais ce n’est pas grand-chose…
 Ange : Tu plaisantes ?
 Agathe : Puisqu’elle a accepté, te dis-je !
 Ange : Michel aussi ?
 Agathe : Lui, il écrit sans arrêt, pourquoi ne l’aurait-il  pas accepté ? D’ailleurs il dit vouloir aider l’humanité, qu’il aide un  homme.
 Ange : C’est incroyable comme tu simplifies les choses !
 Agathe, souriant :  Ce n’est pas pour ça que tu m’aimes ? Elle  va à la cuisine.
 Ange, riant : Oui,  c’est pour ça ! Elle revient  rapidement.
 Agathe : L’anormal est peut-être venu ?
 Ange : Tu veux dire Michel ?
 Agathe : Tu sais ce que je veux dire…
 Ange : Oui, nous avons bu un café.
 Agathe : Lui, il boit aussi le café dans la  cuisine ? Tu ne pouvais pas le mettre au salon ?
 Ange : Même Héraclite…
 Agathe, le coupant : Quel rapport avec Héraclite ? Il y a un homme qui vient à la maison et  tu lui offres le café à la cuisine ? Heureusement que tout était  impeccable !
 Ange : C’est la première fois que tu l’appelles  « homme » !
 Agathe : Façon de parler.
 Ange : Tu sais, il ne lui est rien arrivé…
 Agathe : Lui, sûrement non…Et à moi tu le  demandes ?
 Ange : Et toi, que t’est-il arrivé ?
 Agathe : Je me suis faites ridiculiser… Elle pleurniche…
 Ange : Ne fais pas comme ça.
 Agathe : J’ai été obligée de lui demander de l’aide.
 Ange : Et il n’a pas accepté ?
 Agathe : Non, c’est cela le pire !
 Ange : Je ne te comprends pas.
 Agathe : Comment veux-tu me comprendre ? Silence. Je l’insulte, je le traite  d’anormal alors qu’il n’a rien fait. Un  temps. Et quand je réclame quelque chose à son amie, celle-ci accepte  immédiatement de m’aider alors que je ne la connais que depuis hier et lui, a  accepté sans même me connaître.
 Ange : Et quel est le problème ?
 Agathe : Je me sens mal à l’aise !
 Ange : Ton but n’est-il pas d’aider Luis ?
 Agathe : Oui, oui, le pauvre…
 Ange : Tu y as réussi ! Tu devrais être contente.
 Agathe : Oui, mais comment ?
 Ange : En prenant conscience de la force de l’humanité.
 Agathe : Comme tu es doux avec moi !
 Ange : Parce que tu es ma vie ! Ne pleure  plus !
 Agathe : Tu l’as fait avec de la mousse ?
 Ange : Oui, oui, ne t’inquiète pas !
 Agathe : C’est déjà ça ! Un temps. A-t-il dit quelque chose sur la maison ?
 Ange : Même notre cuisine lui a plu…Il l’a trouvée  chaleureuse.
 Agathe : Qu’est-ce qu’il en sait ?
 Ange : L’humanité aussi a un passé.
 Agathe : Tu vois, je l’accuse encore !
 Ange : Tu n’es pas seule…Toute la société…
 Agathe : Et si la société est injuste, je dois l’être  aussi ?
 Ange : Ça ne le dérange pas…
 Agathe : Qu’est-ce qui le dérange alors ?
 Ange : Les crimes contre l’humanité !
 Agathe : Seulement ça ? Quel homme étrange.
