340 - Sur le caractère anti-démocratique du référendum

N. Lygeros

Dans les états qui connaissent un tant soit peu la notion de démocratie, le référendum est considéré comme l’outil démocratique par excellence. Dans cet article, à l’encontre de cette idée dominante, nous allons montrer qu’il n’en est rien et que le référendum est un processus aliéné par la massification de la démocratie.

A l’origine, le référendum qui provient de l’expression latine “ad referendum”, est une demande de consultation. Dans son sens premier i.e. vote de l’ensemble des citoyens pour approuver ou rejeter une mesure proposée par le pouvoir exécutif, il est semblable au terme plébiscite, ce qui est compatible avec son équivalent grec plus ancien dont le sens est le vote du dème. Et c’est dans ce cadre qu’il prend pleinement son sens politique. En effet, dans une démocratie de type athénien, l’assemblée du dème est un représentant de la population citoyenne. Le rapport est effectivement très faible. Nous pouvons considérer un exemple plus actuel comme le cas suisse puisque le référendum est une pratique courante dans ce pays, alors qu’il n’apparaît dans aucune des constitutions de la France avant 1946. Dans tous ces cas, l’idée essentielle est que la population est relativement faible et donc que la partie votante représente une partie essentielle de celle-ci. Cela représente le cadre idéal du référendum. Les problèmes surgissent lorsque le pouvoir exécutif fait appel au référendum dans un pays dont la population est importante et surtout dans lequel le pouvoir représente une minorité très faible.

Cette fois, le référendum est manipulable beaucoup plus facilement pour le pouvoir qui agit sur la masse et du coup perd son sens originel. Car la base de la validité d’un vote, c’est la connaissance de sa nature. Pour voter, il faut savoir. Seulement dans une démocratie de masse, très peu de personnes sont au courant de toutes les ficelles du pouvoir et des répercussions d’un choix. Car la politique, en raison de la masse, est devenue de manière essentielle l’affaire de processus et de spécialistes. Pour un individu normal, le manque de temps et la taille du nombre de documents à traiter engendrent la nécessité de choisir : soit il se retrouve à plein temps dans la politique et il appartient, selon son niveau, dans cette échelle aux hommes qui prennent les décisions, soit il appartient aux autres. Cette dichotomie de facto a une autre conséquence qui concerne l’information.

Bien qu’il soit implicite, le rôle de l’information est fondamental pour le sens du référendum. Car comment voter sans savoir ? Pour pallier à cela, le système gère lui-même l’information créant ainsi une dyssymétrie dans le fonctionnement. C’est ainsi qu’apparaît un phénomène trichotomique : il y a les non-informés, les informés, et les informés qui informent. Bien sûr, par définition, l’ensemble de cette population vote au même titre. Cependant quelle est la valeur de ce vote ? En a-t-il simplement une ? Quel est le vote d’une personne normale qui n’a qu’une information partielle et partiale de l’objet du vote ? Quelle est sa part de responsabilité dans le temps ?

En réalité, le référendum après la massification de la démocratie, représente une procédure qui permet au système d’utiliser la masse de la population pour valider une décision qui a déjà été prise. Sans la connaissance profonde du sujet la masse est manipulée via des moyens médiologiques pour aller dans le sens du système tout en étant persuadée d’avoir eu le dernier mot dans le choix. Ce dernier point, n’est qu’un moyen supplémentaire pour le système de se couvrir auprès de la population qui ne peut pas le rendre coupable de sa réponse finale. Seulement nous savons bien que la réponse n’est qu’un détail dans l’art de la question. L’important ce n’est pas de répondre directement à une question mais comment la poser pour obtenir la réponse désirée. Tel est le nouveau sens du référendum et c’est en cela qu’il est anti-démocratique.