3686 - L’appareil génital masculin en tant que révélateur de la méthodologie de Leonardo da Vinci

N. Lygeros

Dans les études anatomiques de Leonardo da Vinci, ce qui nous surprend le plus, étant donné son époque, c’est leur caractère scientifique. La précision du dessin du maître montre de manière incontestable qu’il effectuait de nombreuses dissections pour atteindre cette précision. Cela implique de plus un travail acharné et ce durant des heures dans des conditions extrêmement difficiles. Cependant un des problèmes de taille quant à la méthodologie de Leonardo da Vinci, c’est la spécificité du vivant. En effet Leonardo da Vinci ne dissèque bien évidemment que des cadavres, aussi il lui manque des éléments essentiels du vivant qu’il est obligé d’extrapoler. Mais la rigidité cadavérique ne permet pas toutes les extrapolations.

Un exemple tout à fait caractéristique de cette difficulté, c’est l’appareil génital masculin. Cela ne veut pas dire que l’appareil génital féminin est exempt de toute difficulté. La différence essentielle provient du caractère érectile de cet organe et de sa modification géométrique via le phénomène de turgescence qui dépend directement de la circulation sanguine qui ne sera découverte par William Harvey qu’en 1628. Sur l’une des planches anatomiques de Leonardo da Vinci où il étudie entre autres la physiologie du cerveau humain, il examine aussi l’appareil génital masculin selon une coupe verticale. Il indique plusieurs des organes masculins. Il montre explicitement l’urètre même si la géométrie de la fosse naviculaire (lacuna magna) n’est pas évidente. Dans tous les cas, comme l’urètre a une fonction reproductrice puisqu’il permet le passage du sperme, il est intéressant de comparer cette planche avec celle où l’appareil génital masculin est en érection. Sur cette planche, Leonardo da Vinci représente à droite le coït. À gauche, il décrit l’appareil digestif. Vers le bas, il dessine une coupe transversale de l’appareil génital masculin qui est conforme à la représentation sagittale de l’autre planche. L’autre figure est une coupe verticale au niveau du milieu du corps caverneux et du corps spongieux. Et cette fois, nous avons incontestablement un problème dans la visualisation de ces deux organes. Dans la coupe transversale, il est difficile de placer avec précision l’urètre. Alors que nous savons désormais que ce dernier est entièrement entouré par le corps spongieux. Au niveau où se trouve la coupe, il est tout simplement impossible que le corps spongieux ait une section plus importante que celle du corps caverneux. Quant à la section de l’urètre, elle est difficile à percevoir. Seul un fort grossissement du dessin permet d’entrevoir une esquisse. Néanmoins cette absence de précision s’explique par le fait que Leonardo da Vinci dissèque des cadavres comme nous l’avons mentionné précédemment. Aussi l’action de la pression sanguine sur le corps caverneux n’est pas perceptible. Cependant la plus grande absence à signaler sur la planche de Leonardo da Vinci, c’est la double structure du corps caverneux. Ceci est tout à fait étonnant dans une telle sorte de coupe. Aussi nous considérons que c’est l’exemple par excellence qui montre les limites de la méthodologie de Leonardo da Vinci. En effet, comme ce dernier doit se contenter de disséquer et de représenter une matière qui n’est plus vivante, il n’a pas seulement des problèmes de texture et de surface, mais aussi de profondeur.

Nous savions bien sûr que Leonardo da Vinci était obligé d’extrapoler comme c’est le cas du bébé dans le ventre de sa mère où il utilise l’utérus d’une vache et la représentation d’un nouveau-né. Mais cette fois, l’exemple de l’appareil génital masculin est absolument révélateur des lacunes dues à l’absence de la modélisation du monde vivant par le maître. Cela montre aussi les limites de la science quand on lui interdit l’expérimentation.