372 - Humanisme local versus humanisme global
N. Lygeros
Un des fondements de l’humaniste, c’est sa profonde croyance en l’homme. Ce n’est pas son incrédulité envers Dieu qui a forgé ce sentiment mais son analyse des capacités humaines. Ces dernières qui ont largement été mises en évidence à travers l’hellénisme par une prise de conscience philosophique du rôle de l’homme dans l’évolution de la société et de l’humanité ont engendré une mentalité extrêmement positive envers l’écrit et l’étude. Cette longue étude aussi bien dans les bibliothèques que dans l’isolement, initialement conçue pour la compréhension du monde a vu ses objectifs diverger. En effet peu à peu deux voies se sont créées d’une part celle de l’étude pour l’étude et d’autre part de celle de l’étude pour le monde. En cherchant à comprendre le livre du monde les hommes ont créé le monde des livres. Aussi deux mondes coexistent dans la même mentalité.
Avec cette nouvelle possibilité, les humanistes via l’évolution du savoir et du pouvoir et leur interaction avec le monde, ont dû choisir une manière passive ou active de vivre dans le monde. Une des causes de cette rupture c’est la dominance du pouvoir sans savoir sur le savoir sans pouvoir. Et il est vrai que dans ces conditions il est difficile de ne pas perdre sa foi en l’homme. Tout au long de l’histoire, l’évolution n’est pas une théorie mais un fait. Cependant en est-il de même dans le domaine de l’éthique ? Rien n’est moins sûr et c’est en cela que nous observons une bifurcation dans la mentalité humaniste. Certains d’entre eux auraient souhaité que la minorité qu’ils constituent devienne plus importante avec le temps tandis que les autres la jugeant intrinsèque n’ont pas cet espoir.
La première catégorie, déçue par l’implication de l’humain dans le monde, s’est réfugiée dans le monde des livres et a développé une culture proprement ésotérique au sens littéral du terme mais pas seulement. Cette culture, sans être nécessairement hermétique initialement, en se développant dans un univers clos est devenue un véritable système accessible aux initiés uniquement. Avec cette coupure, ces humanistes se sont désimpliqués de l’évolution du monde à l’instar d’ermites dans le domaine religieux. Pourtant en l’absence de contact avec le monde cet humanisme local a fini pas perdre son essence générique et via cela, universelle. Or que signifie l’humanisme sans l’universalité de la pensée ?
Le seconde catégorie consciente du caractère intrinsèque de sa nature, s’est aventurée hors du monde des livres et a développé une culture proprement exotérique. Dans ce cadre, volontairement ouvert sur le monde, l’essentiel n’est pas la minorité en tant que telle mais sa contribution. Cette structure ouverte qui s’appuie sur ces singularités disposées en réseau à travers le monde n’en perd pas pour autant la complexité de sa pensée qui elle aussi semble inaccessible aux initiés. Pourtant malgré cette difficulté, à travers son oeuvre, cette minorité agissant de manière holistique, construit un humanisme global et en cela nous retrouvons l’humanisme audacieux de l’esprit prométhéen.
Aussi malgré un lien de parenté unique à savoir l’humanisme, la bifurcation mentale que représente le rapport local versus global, a différencié de manière essentielle le concept initial à travers son interaction avec le monde. Dans un cas nous retrouvons l’isolement dans l’autre la solitude. Les premières singularités, via leur sublimation essentielle, s’évanouissent dans le néant tandis que les secondes via leur formation en réseau agissent en faisceaux convergents et atteignent des lieux inaccessibles autrement. Aussi tandis que les premières disparaissent sans laisser de traces dans l’évolution de l’humanité, les secondes survivent à travers ces traces que constituent leurs oeuvres. La différence essentielle se situe donc dans l’oeuvre et l’apport qu’elle constitue pour l’humanité. Elle peut sembler non essentielle dans le sens où elle n’est pas partie constituante de l’humanité cependant au sein de l’humanité elle est fondamentale puisque celle-ci n’existe qu’à travers son oeuvre.