Télégramme S.E. Carathéodory Pacha à S.A. le Grand Vézir Le 18 Juin 1878 N°14 très secret et confidentiel | Il est positif que les Anglais deman- deront coûte que coûte que la possession militaire des Balkans en général sauf une petite déviation du côté de Sofia, reste à la Turquie. Nous insis- terons pour que en compensation de cette déviation on nous laisse Varna avec un territoire qui se relie stratégiquement avec la ligne des Balkans. Pour l’organisation du Sud des Balkans, qu’on se propose d’appeler province de Roumélie les idées des Anglais ne sont pas très arrêtées et il peut se faire qu’ils se laissent entraîner par les Russes à des projets nuisibles à l’unité administrative de l’Empire. Pour ce qui est du Monténégro et de la Serbie j’ai déjà exposé à V. A. qu’ils ne s’en mêleront pas et qu’ils suivront les Autrichiens. Ceux-ci veulent occuper la Bosnie et l’herzégovine et ils disent ouvertement qu’ils le feront même sans notre consentement en s’arrangeant | |
| avec la Russie. On ne peut donc plus se faire illusion sur le sens des propositions faites précédemment par les Autrichiens concernant l’occupation de ces provinces et à la suite desquelles la Porte avait voulu conclure une conven- tion militaire. Cette occupation sera quelque chose de définitif. Le langage de Lord Salisbury consigné dans le télégramme N° 7 ne laisse aucun doute là dessus. Si l’occupation se réalise malgré nous et les Autrichiens semblent décidés même à cela, elle entraînera nous le craignons la perte totale de ces provinces non seulement sans aucune compensa- tion pour nous, mais de plus nous aurons l’Autriche contre nous dans les autres questions. Il ne reste donc plus qu’à chercher à limiter le mal et tâcher de tirer le meilleur parti possible du sacrifice qu’on nous impose. Les Anglais nous ont déjà suggéré l’idée d’une | |
| alliance offensive et défensive avec l’Autriche pour la Tur- quie d’Europe. Dans cet ordre d’idées on pourrai songer à donner à cette alliance conclue par traité secrètement la base suivante. Promettre aux Autrichiens qu’on leur laissera occuper quelques uns des districts situés sur la frontière Dalmate de manière que la moitié au moins de la Bosnie nous reste pourvu que en revanche, l’Autriche s’engage par traité 1° à ce que le Monténégro n’obtienne rien du côté de l’ Albanie ni de la Serbie ; 2° que les cessions à faire à la Serbie soient diminuées considérable- ment de manière que nos communi- cations avec nos possessions en Bosnie soient complètement assurées ; 3° que la partie restante de la Turquie d’Europe et des îles forme un tout compact directement et absolument soumis à l’autorité de la Porte, sans complications d’autonomie et administrée d’après le système uniforme de la loi des Vilayets. Dans le cas où V. A. approuverait cette manière de voir | |
Pour le chiffre H. Odian | en tout ou en partie, nous prions tous trois qu’Elle daigne nous faire parvenir les ordres sur ce point un moment plus tôt, ou bien, si elle le préfère, qu’elle en entretienne le Comte Zichy de manière qu’elle le mette en demeure de s’expliquer franchement sur les sacrifices qu’ils nous demandent et les avantages qu’il nous offrent en compensation. Que le Congrès réussisse ou non, les Autrichiens occuperont la Bosnie et l’Herzégovine, et dans les deux cas, il importe que nous ayons l’Autriche avec nous, et que cette Puissance nous appuie efficacement dans la question de l’organisation du Sud des Balkans qui peut se présenter d’un moment à l’autre. Nous supplions en tout cas V. A. de nous indiquer le langage que nous devons tenir aux Autrichiens sur ce point. Qu’elle veuille bien nous pardonner de nous être exprimés avec une telle franchise mais les moments sont suprêmes. | |