500 - L’initiative en tant que raisonnement non uniforme
N. Lygeros
Du point de vue cognitif, il est évident que l´initiative joue un rôle primordial et ce à divers niveaux. Dans cet article, nous allons tenter d´étudier les points singuliers de l´initiative qui lui confèrent sa puissance créative et d´analyser de manière rétrograde son émergence.
Le premier point singulier de l´initiative se retrouve dans son étymologie, il s´agit de son caractère initial. Elle est par définition le commencement d´un nouveau processus. Elle diffère donc par nature de la répétition et ne représente pas un recommencement. Par ce biais, elle constitue une discontinuité fondamentale. Sa présence crée donc un avant et un après. Dans ce sens, l’initiative crée un élément incomparable à savoir le nouveau champ d’investigations. Car après l’intervention de l’initiative nous assistons à un véritable split temporel. Il est alors impossible de comparer les états antérieur et postérieur. Tout élément de comparaison a disparu dans le split.
Le second point singulier de l’initiative est son caractère imprévisible, d’une part entre l’avant et l’après et d’autre part sur l’instant de son intervention. Le moment de la prise d’initiative ne doit pas être prévisible sinon théoriquement du moins pratiquement. En d’autres termes, les éléments antérieurs à la prise de décision ne doivent pas être facilement analysables pour prévoir le changement d’état. Ils ne doivent l’être qu’ a posteriori. En somme, l’initiative ne doit pas être la conséquence d’un assemblage logique automatique.
A partir de ces deux points nous pouvons mettre en évidence les premiers éléments d’une classification. En effet toutes les initiatives ne sont pas du même type. La différence se trouve dans les répercussions temporelles. Les initiatives les plus simples à expliciter sont celles qui sont à effet immédiat. Dans ce cas, la prise d’une initiative permet de conclure. La conclusion peut être locale ou globale mais dans tous les cas, elle représente la trace de la trajectoire cognitive de l’initiative. Nous dirons alors que l’impact est ponctuel et nous l’opposerons à celui qui est diffus. Dans ce deuxième cas, l’initiative semble avoir un comportement analogue à celui du phénomène de la percolation. Elle intervient tout d’abord ponctuellement puis les conséquences de son apport qui ne sont dans un premier temps qu’à peine perceptibles finissent par devenir dominantes. La modification est alors radicale. Ainsi du point de vue stratégique, l’initiative s’inscrit dans le temps. Et la célérité de son impact est un paramètre critique de la classification puisqu’il permet de coder la chaîne des répercussions. Dans le premier cas, le processus est convergent tandis que dans le second, il est divergent. Cependant comme l’espace cognitif n’est pas linéaire, la divergence peut être une multi-convergence. Cette situation est particulièrement efficace pour parer toute contre-initiative. En effet la polymorphie et polycéphalie de ce type d’initiative met en difficulté théorique toute tentative basée sur des contre-mesures.
L’ensemble de ces considérations montre que l’initiative fonctionne effectivement avec un raisonnement non uniforme qui est par nature initial, discriminant, imprévisible et efficace. Il peut être ponctuel ou diffus avec un effet à plus ou moins long terme mais dans tous les cas il provoque un changement de phase irréversible et c’est en cela que l’initiative est une composante fondamentale de notre intelligence fluide. Mais comme tout processus de ce type, une fois étudié et synthétisé comme outil méta-heuristique, l’initiative est capable de produire des impacts cognitifs considérables qui sont caractéristiques des individus de la phase III de M-classification.