Ambassade Impériale Ottomane à Berlin Télégramme à S. A. le Grand VézirLe 22 Juin 1878 N° 34 | Salisbury vint nous voir hier. Nous lui présentâmes des observations sur la formation d’une Principauté Bulgare au nord des Balkans, il répondit que sur ce point les opinions étaient arrêtées ; que cependant l’autonomie devait être entendue comme une autonomie intérieure qu’il trouve juste que le règlement organique en soit discuté à Constantinople entre la Porte et les représentants étrangers et que la Principauté soit reliée à la Turquie par des liens réels en fixant par le règlement lui-même ou par arrangement particulier l’union douanière commerciale et autre de la Princi- pauté avec la Porte. Il dit que les Russes ne veulent pas céder Varna qu’au sud des Balkans l’opinion publique obligeait l’Angleterre a apporter quelque restriction au libre séjour des troupes ottomanes dans la province de Roumélie. Néanmoins il affirma que les Balcans resteraient sous la possession militaire du Sultan et que l’administration civile serait celle de la loi des Vilayets. Sur les finances il évita de l’expliquer | |
| mais nous avons appris plus tard qu’il s’agit de donner aux conseils provinciaux un contrôle effectif sur les réunions et les dépenses de la province. Nous fîmes remarquer avec grande importance le danger de la formation de cette province de Roumélie avec un caractère particulier. Il répondit que tout ce que nous disions était juste, mais que l’Angleterre n’avait pas la force de faire davantage. Enfin il nous engagea à nous entendre au plus tôt avec Andrassy sur la question de la Bosnie qui financièrement n’ était d’aucune utilité pour nous où nous aurions constamment des insurrections et où l’Autriche seule pouvait rétablir l’ordre. Cette visite de Salisbury avait évidemment pour but de nous préparer à entendre Andrassy. Nous vîmes celui-ci tous trois. Il nous parla longuement. Nous notons ici seulement ce qu’il nous a dit de plus que Salisbury. Il dit que la Russie demande que nous précisions les points des Balcans que nous entendons fortifier et le nombre des troupes à employer pour leur défense, qu’Antriari | |
| restera aux Monténégrins qui n’ auront pas de pavillon maritime et que par conséquent la douane et la quarantaine d’Antriari resterait aux Autrichiens ; il promet de restreindre la frontière sud du Monténégro de manière qu’elle comprenne seulement le district de Kate hi à l’Ouest on lui donnera pour frontière la Tara, il promet de faire restituer par la Serbie les districts alba- nais en lui donnant Pirot où. Serbes et Bulgares seront bientôt aux prises. En revanche il nous a demandé ouvertement l’ annexion de toute la Bosnie et de toute l’Herzégovine sous la forme d’une occupation. Nos troupes se retireraient et l’ administration passerait entre les mains des Autrichiens. Il admet l’occupation mixte dans la partie comprise entre le Monténé- gro et la Serbie c’est-à-dire dans le Sandjac de Novi-Vazar dont l’administration civile nous serait laissée. Pour mieux tenir la Serbie les Autrichiens occuperaient aussi Nitrovitza. Son raisonnement général est que nous nous trouvons dans l’ | |
| impossibilité de gouverner la Bosnie et l’Herzégovine ; que l’Autriche est décidée à effectuer l’occupation, que le Congrès la verra d’un bon œil et que tout ce qui nous reste c’est de nous arranger avec l’Autriche sur cette base, afin de lui faciliter à lui aussi sa position vis-à-vis de ceux qui en Autriche ne veulent pas l’occupation de ces provinces par les Autrichiens. Il a paru ne vouloir pas entendre parler d’une occupation partielle. Comme nos instructions n’allaient pas si loin, nous nous retirâmes. Dans le courant de notre conversation Andrassy évita de nous faire espérer un engagement positif sur les points que nous avions l’instruction d’assurer. Le soir, je vis Beaconsfield. Il me parla de cette affaire en termes généraux signalant la nécessité de nous arranger avec l’Autriche et me renvoya à Salisbury pour les détails. Je rendis compte à celui-ci de notre conversation avec Andrassy ; Il la trouva très naturelle comme | |
| si c’était une affaire entendue entre l’Angleterre et l’Autriche. Ce matin Kosjeh est venu nous voir. Nous lui parlâmes de l’Herzégovine et, carte en mains, le Muchis lui expliqua les avantages que présenterait pour l’Autriche une ligne partant du confluent de la Piva avec la Tara se dirigeant par la crête des montagnes sur la Narenta et englobant à peu près l’ Herzégovine. En revanche nous avons fortement insisté sur la conservation de l’autorité absolue du Sultan sur Varna et sur tout le Sud des Balcans sans aucune formation spéciale. Il parut un peu ébranlé ; il nous quitta en disant qu’il allait en reparler à Andrassy qui télégraphierait à Zichy. Nous ferons tout notre possible pour nous arranger sur cette base. La question capitale c’est d’avoir un engagement positif de l’Autriche pour les avantages qu’elle peut nous assurer sur les autres points. Il serait très utile | |
| Pour le chiffre H. Odian | que V. A. insistât là-dessus en parlant à Zichy. | |