5042 - Transcription du télégramme 37 d’Alexandre Carathéodory (22/06/1878)

N. Lygeros

Télégramme
à
S. A. le Grand Vézir
Constantinople
Le 22 Juin 1878
N° 37
Pour le chiffre
H. Odian
Il est de mon devoir de mettre V. A.
au courant de ma situation dans le
Congrès. Dans la séance d’aujourd’hui
après que lecture eût été donnée de
la proposition Anglaise, et que
Chouvaloff eût parlé, voyant qu’on
aurait pu passer au vote immédiatement
je demandai à voir la pièce. Bis-
marc fit observer que l’œuvre du
Congrès était dans l’intérêt de la
Turquie, que si j’avais des observations
à présenter je devais le faire immédiatement
mais que si ma proposition avait
pour but de retarder l’œuvre du
Congrès, il ne le permettrait pas.
Il me fit sentir que la Turquie
ayant signé l’acte de S. Stefano
ce n’était pas à nous de parler. Ce-
pendant il parut se raviser
aussitôt après, et me donna la
parole. Je dus alors me borner
à dire quelques mots non sur la
proposition, mais seulement sur
quelques parties du discours de
Chouvaloff concernant le sentiment
d’inimitié qui animait nos
populations contre l’armée.
Cette attitude de Bismarc me
réduit à un rôle purement passif.
Les réunions préparatoires auxquelles
nous ne participons pas préparent
le travail. Si l’on me
refuse le tems ou les moyens de
fournir tout au moins des
renseignemens, il ne me resterait
plus qu’à exprimer une opinion
ou une réserve inefficace au moment
du vote. V. A. comprendra la
difficulté d’une pareille situation ;
et les critiques auxquelles elle peut
donner lieu si l’on ne trouvait
pas dans nos procès-verbaux rien
qui indiquât que j’ai du moins
cherché d’éclairer à tems la
discussion sur des questions qui
pourtant méritent un examen spécial. En conséquence, je prie
[très instamment V. A.]
de vouloir bien pourvoir
à mon remplacement le plus tôt
possible en donnant pour motif
l’état de ma santé qui s’est réellement
ressentie du climat de Berlin et du tra-
vail excessif.