Télégramme S.E Carathéodory Pacha à S. A. le Grand Vézir Constantinople ConfidentielLe 27 Juin 1878 N° 53 Pour le chiffre H.Odian | Le compte-rendu de la séance d’aujourd’hui que je viens de télégraphier à V. A. confirme mes précédentes appréciations. Mr de Bismarc avait dit que la question d’Orient ne l’ intéressait qu’en tant qu’il s’agissait d’empêcher la guerre entre l’Angleterre et la Russie. Ces deux puissances s’étant mises d’accord sur les bases exposées dans le Mémorandum de Londres il ne restait plus d’après lui qu’à préciser les traits que le Mémorandum avait laissés dans le vague. C’est à quoi Bismarc s’est efforcé d’arriver dans les sept séances que le Congrès a tenu jusqu’à présent, en faisant usage de son influence prépon- dérante tantôt sur les uns tantôt sur les autres et en menaçant ceux qui avaient essayé d’entraver son œuvre. | |
| La question de la Bulgarie qui selon son dire était la seule qui dût le préoccuper parce qu’elle était en réalité la seule qui divisât l’Angleterre et la Russie vient d’être résolue, par la création de la Bulgarie et de la province autonome de la Roumélie orientale. Il a affecté dans le cours de la discussion le plus grand dédain en premier lieu pour les Bulgares eux-mêmes, des- quels il ne s’attend à rien de bon, ni de raisonnable, et il a laissé à l’Autriche enlever quelques avantages commerciaux à la Russie de manière à créer sciemment ou non sur les bords du Danube entre ces deux Puissances un antagonisme que l’Angleterre a favorisé de son côté. La grande question ainsi enlevée, et toute cause de guerre immédiate entre les deux puissances ainsi mis de côté, il considère tout le reste comme secondaire. | |
| Il semble que la question d’ Asie sera laissée à une entente directe entre l’Angleterre et la Russie. Quant aux questions relatives à la Bosnie Serbie, Roumanie, Monté- négro, à la Grèce, au Danube et à l’indemnité de guerre, il a aujourd’hui émis l’opinion qu’une seule séance était amplement suffisante. Tant de laisser- aller cache évidemment une arrière-pensée chez cet homme extraor- dinaire. Peut-on considérer un ensemble si considérable d’intérêts comme une simple affaire de rédaction ? Il y a des gens qui pensent qu’en somme le Congrès ainsi entendu est bien un Congrès extraordinaire et qu’il est fort possible qu’il laisse après lui les germes de très grandes diffi- cultés. Nous verrons bientôt la commission à l’œuvre et alors peut-être sera-t-il plus facile de se rendre un compte un peu plus exact de cette | |
| manière d’agir qui pour le moment étonne tout le monde sans avoir au fond satisfait personne. | |