Télégramme S. E. Carathéodory Pacha | | |
à S. A. le Grand VézirBerlin, le 29 Juin 1878 N° 61 Pour le chiffre H. Odian | Pour compléter mon compte rendu de la Séance d’hier Vendredi et de la discussion de l’affaire Autrichienne je dois ajouter que lorsque un peu avant la séance je parlai à Beaconsfield et à Salisbury des instructions que je venais de recevoir, Beaconsfield me dit que le résultat des délibérations du Conseil avait été très peu sage, et que Salisbury de son côté me fit comprendre que malgré tout ce que nous pourrions dire le résultat final de la discussion ne pourrait être affecté par notre attitude. Une autre expli- cation me semble encore nécessaire. Comme V. A. voit par le Compte rendu Andrassy qui parla le premier se borna à représenter les embarras et les difficultés que présentait la situation en Bosnie. J’aurais bien voulu prendre la parole immédiatement après lui pour représenter que la Porte elle-même regrettait cette situation et que précisément elle comptait prendre immédia- tement des mesures pour y remédier. Mais Salisbury et Bismarc avaient leurs discours préparés, et tout écrits : de sorte qu’ils ont tenu à parler c.à.d. à lire leurs discours avant moi ; et je ne pus obtenir la parole qu’après eux. Si j’ avais insisté pour avoir la parole avant, non seulement je n’ | |
| aurais rien obtenu, mais nous aurions été fortement critiqués d’avoir voulu anticiper sur l’opinion déjà formulée de deux puissances. Une autre particularité mérite d’être relevée. Gortchakoff donna une adhésion entière aux propositions Anglo-Allemandes touchant l’occupation. Lorsque toutefois Andrassy reprenant la parole eût expliqué que l’ intention de l’Autriche était d’occuper aussi ce qu’il appelait l’enclave entre la Serbie et le Monténégro, et quelque point stratégique (Mitrovitsa et peut-être aussi Scutari car je me rappelle que ce mot a été prononcé par Andrassy en passant dans un de nos entretiens. Chouvaloff réserva cette partie de la proposition à l’apprécia- tion de son Gt. Il demanda même un sursis pour la prochaine séance. Alors Bismarc lui fit remarquer sur le ton d’une simple conversation (je doute que cela soit rapporté | |
| dans le protocole officiel) la Russie et l’Autriche n’ont pu se mettre d’accord sur cette question depuis bientôt dix ans (c’est du moins ainsi que j’ ai entendu) que gagnerez-vous si je vous accorde 24 heures de plus. Je prie maintenant V. A. de prendre en due considération les paroles finales du Président. Il a été très équitable pour nous dans la direction de cette grave délibération. Il n’a pas laissé paraître la moindre impatience. Il nous réserve encore notre opinion définitive puisqu’il déclare le protocole ouvert, mais en même temps lorsqu’il dit qu’en cas de refus définitif il y aura lieu d’aviser, c’est qu’il est décidé à aviser effectivement peut-être en décernant à l’Autriche un mandat d’exécution au nom de l’Europe. Telle est la situation et comme d’un moment à l’autre on peut revenir sur un protocole ouvert, il me parait urgent que le Gt Il maintenant qu’il se trouve en possession de tous les élémens qui peuvent l’éclairer arrête de la manière que V. A. jugera la plus convenable sa décision définitive sur ce point capital et que nous en soyons avertis à temps. | |