Télégramme à S. A. le Grand Vézir Constantinople le 29 Juin 1878 N°68 Pour le Chiffre H. Odian | Dans la séance d’aujourd’hui Samedi on donna d’abord lecture de l’art. 15 et l’on convint de remplacer les mots Gouverneur Impérial de Russie par les mots Commission Européenne : je crus inutile de m’opposer d’abord parce que l’on était d’ accord, ensuite parce qu’on devait entendre les délégués hellènes et que cette fixation de la manière dont les réformes projetées seraient contrôlées nous donnaient d’avance un argument pour repousser les demandes helléniques. On introduisit ensuite les délégués helléniques, Mr Deli- yanni donna lecture d’un mé- moire dans lequel après avoir exposé la nécessité de donner un accroissement à la Grèce, et avoir fait allusion aux promesses faites par l’Angleterre il conclut en demandant l’annexion à la Grèce de l’Epire, de la Thessalie et de l’île de Crète. Après quoi Rangabé prit la parole pour développer ces idées. Le président | |
| décida que le mémoire de Déliganni serait imprimé et distribué. Après quoi il invita les délégués helléniques à se retirer sauf au Congrès à discuter la question quand il le jugerait convenable. Comme il avait été convenu qu’on entendrait seulement Mr Déliganni mais qu’on ne discuterait pas, personne n’a pris la parole, on aborda la question de Roumanie. Salisbury proposa d’entendre aussi les Ministres du prince Charles qui sont depuis trois semaines à Berlin, distribuant des mémoires. On discuta longtemps les Russes cherchant à éviter la présence des Roumains sans s’y opposer ouvertement. À la fin pourtant ils cédèrent et il fut décidé que les Roumains seraient entendus Lundi. On passa à la question de l’indépendance de la Roumanie. À ce qu’il paraît les Russes font aujourd’ hui de l’opposition à la déclaration de cette indépendance tant que la question de la Bessarabie ne sera pas tranchée en leur faveur. Aussi la | |
| discussion prit immédiatement cette direction. Beaconsfield fit un assez long discours contre l’annexion de la Bessa- rabie, mais il s’appuya principalement sur la nécessité de maintenir la liberté de navigation du Danube, ce qui me fait supposer que l’Angleterre au fond n’opposera pas un véto absolu. Gortchakoff et Chouvaloff répondirent à Beaconsfield soutenant que la rétrocession de la Bessarabie était une affaire d’honneur pour la Russie. Bismarc revenant sur les discours prononcés déclara que la question de la Bessarabie n’avait rien de commun avec celle de la navigation du Danube qu’on traiterait à part. Au fond il se prononça en faveur de la Russie, en ajoutant que si le traité de Paris n’avait pas entamé la Russie, il aurait été plus durable. Cependant, il remit la décision à Lundi après qu’ on aura entendu les Roumains et il leva la séance. | |