52222 - Le violoncelle solitaire
N. Lygeros
Traduit du Grec par A.-M. Bras
Eleftheria: Avez-vous trouvé le violoncelle?
Sotiria: Oui, c’était à l’angle suivant. C’était en juin mais le soleil n’était pas encore très fort. Il me tenait le bras et chaque pas que nous faisions me soulageait de plus en plus.
Eleftheria: Vous lui avez parlé?
Sotiria: Nous avons d’abord entendu le morceau qu’il jouait. J’étais tellement émue par cette liberté que mes larmes ont commencé à couler. Le musicien l’a vu aussi. Il m’a souri gentiment. Et j’ai ressenti du baume de l’âme. J’ai mis ma tête sur son épaule et nous avons continué à écouter.
Eleftheria: Que s’est-il passé à la fin?
Sotiria: Il lui a laissé un rouble…
Eleftheria: Un?
Sotiria: En argent… Et il lui a parlé de l’Humanité.
Eleftheria: L’Humanité? Et alors ?
Sotiria: Je ne suis pas sûre, bien sûr, mais le musicien était content.
Eleftheria: J’imagine!
Sotiria: Non, tu ne peux pas imaginer. Il lui a tenu la main, il ne le lui a pas jeté. Il lui a même dit qu’un jour nous serions libres nous aussi.
Eleftheria: Et tu l’as cru?
Sotiria: De toute mon âme.
Eleftheria: J’ai compris.
Sotiria: Que peux-tu comprendre… Tu n’as jamais vécu l’esclavage, la spoliation…
Eleftheria: Grâce à toi.
Sotiria: Grâce à notre foi.
Eleftheria: C’est vrai, je ne peux pas l’oublier.
Sotiria: C’est ainsi que je me suis souvenu de tout ce que j’avais vécu.
Eleftheria: Tu ne savais pas avant ce que c’est que la liberté.
Sotiria: Je devais d’abord vivre le salut.
Eleftheria: Et maintenant?
Sotiria: J’ai appris à résister aux autres.
Eleftheria: Je sais. Maintenant j’en ai appris sur notre passé.