5277 - Albert Camus au Panthéon de l’Humanité
N. Lygeros
Albert Camus n’est pas seulement un écrivain ou un philosophe mais un penseur et c’est en tant que tel qu’il faut le juger non pour le condamner ou l’absoudre d’un crime mais pour l’œuvre humaine qu’il a produite pour l’humanité. Le placer dans une catégorie ou une autre n’a que peu de sens. Il demeure inclassable car il ne connaissait que trop bien les classes. Jamais dans la majorité, il a toujours lutté pour la minorité, celle qui ne revendique qu’un seul droit car le reste représente du luxe pour elle, le droit d’exister. Au football, il était gardien de but. En Alsace, émigré. En Algérie, pied-noir. Dans la résistance, au combat. Dans la gauche, la brebis galeuse. Dans la guerre sans nom, le bouc émissaire. Que d’étiquettes sociales pour qualifier un seul, le premier homme comme il le disait lui même si bien. Ne suffisait-il pas de dire qu’il était humain, sans doute trop humain pour le goût de certains, mais humain tout de même malgré les totalitarismes d’Hitler et de Staline. Anarchiste ou libertaire quoi d’autre encore, qu’importe ? Dans ce monde où l’absurde côtoie le pouvoir de si près, il a toujours su rester un résistant. Sans terrorisme, sans collaboration, il est resté un homme révolté conscient de vivre le mythe de Sisyphe. Il était sans espoir mais nullement désespéré alors comment faire tenir tout cela dans des enfantillages. Albert Camus appartient depuis longtemps au Panthéon de l’Humanité aussi que sa dépouille aille au Panthéon n’est pas un honneur pour lui mais pour la France. Car il est demeuré français et ce à plusieurs reprises au moment où d’autres n’hésitaient pas à collaborer ouvertement ou à saboter malhabilement. La volonté du président de la République n’est pas un caprice des dieux, que certains voudraient nous servir, pas plus qu’une reconnaissance méritée mais tout simplement un devoir dû. Les circonstances veulent que la cinquantaine de sa mort soit proche. Mais ce prétexte n’est pas un subterfuge. Albert Camus a le droit d’être au Panthéon, non pas parce que ses enfants finiront par l’accepter mais seulement parce que ce droit est un devoir de mémoire, un moyen de traverser le temps pour transcender la mort et offrir en don, son œuvre aux générations futures qui n’appartiennent pas encore à l’humanité. Ainsi l’initiative est juste et c’est dans ce sens là qu’il faut l’examiner. Qu’elle corresponde au bon timing d’un mix stratégique ne nous préoccupe guère car cela est toujours possible. L’important c’est de ne pas se tromper de malentendu. L’exil et le royaume existe bel et bien. Albert Camus au Panthéon n’est pas un schéma mental qui correspond à la divinisation de l’homme mais bien à l’humanisation de dieu.