538 - De la supériorité du relatif sur l’absolu en didactique

N. Lygeros

A l’occasion d’une intervention dans l’école primaire de Kampos à Chypre, nous avons été amené à suivre une séance d’apprentissage dans l’école maternelle associée. Celle-ci était consacrée à l’approfondissement de la série des entiers. Plus précisément, chaque écolier avait une feuille avec une série de chiffres qu’il devait compléter en donnant leur successeur associé. Bien que l’énoncé soit clair, il n’en demeure pas moins qu’il pose un certain nombre de problèmes à l’écolier non familier avec la notion de successeur.

En effet, un certain nombre d’écoliers associaient facilement les trois premiers successeurs mais donnaient des réponses pour ainsi dire aléatoires pour les suivants. En particulier au chiffre 4 était souvent associé le chiffre 7 ce qui indiquait que du point de vue cognitif la caractéristique observée par l’écolier n’était pas la structure des entiers mais leur représentation visuelle. Pour pallier à cette difficulté, la maîtresse incitait les écoliers en difficulté à écrire sur le haut de leur feuille la suite ordonnée des chiffres afin de les consulter pour répondre aux questions. Et si cela ne suffisait pas les écoliers étaient incités à dire oralement la suite des entiers.

La conséquence immédiate de cette méthode d’apprentissage étaient que les écoliers en difficulté avaient la tendance désormais naturelle de reprendre l’énumération des entiers depuis le début afin de donner le successeur d’un entier donné. Ils utilisaient donc un repère absolu auquel ils ramenaient toute question posée. Cependant si cela peut sembler efficace dans un premier temps pour les chiffres, il est évident que par la suite ce repère absolu induit des lenteurs dans le calcul mental.

En réalité du point de vue cognitif, il est plus efficace d’apprendre à l’enfant l’utilisation d’un repère relatif qui lui permet à tout moment d’être certain de sa position dans la série des entiers. Pour ce faire il est préférable de lui enseigner de manière complémentaire les notions de successeur et de prédécesseur pour ainsi dire simultanément. Ainsi l’absence de repère absolu pour la notion de prédécesseur l’incite naturellement à se construire un référentiel relatif dans les deux sens de lecture. Bien que cette manière de faire soit considérée comme plus complexe par l’enseignant il faut se rendre à l’évidence qu’elle apporte rapidemment des résultats auprès des écoliers.

En augmentant quelque peu l’abstraction nécessaire à la compréhension nécessaire d’un concept nous pouvons éviter les obstacles de la facilité qui induisent des lenteurs dans des cas plus difficiles. Avec l’abstraction, la frontière entre les cas faciles et difficiles tombe et permet à l’écolier d’avoir un raisonnement spécifique en utilisant un cadre abolu. L’idée d’introduire un concept relatif pour généraliser un raisonnement est une méta-heuristique efficace et ce à divers niveaux comme le montre l’existence des théories relativistes. L’établissement de l’équivalence relative engendre une augmentation de l’abstraction mais aussi de l’étendue du raisonnement.