5732 - Sur le temps et l’espace en stratégie

Ν. Lygeros

« L’espace est le champ de notre puissance, le temps celui de notre impuissance » Spinoza

Si nous examinons la phrase de Spinoza, uniquement sur le plan religieux, elle semble isomorphe à un truisme. Cependant, au niveau philosophique, elle n’en est pas moins représentative d’un schéma mental d’une efficacité rare. C’est dans le domaine de la géostratégie pourtant qu’il acquiert toute sa puissance si nous l’associons à un autre schéma mental à savoir que le temps est l’espace de la résistance. En effet, dans le cadre de l’attraction que produit la domination et qui crée le contexte de la stratégie en tant qu’outil de l’intelligence pour lutter contre le plus fort, l’espace joue un rôle primordial pour tous les empires. Néanmoins ce même espace engendre une usure dans la durée, car il est nécessaire de le maintenir. Or la simple conservation d’un statu quo oblige un empire à gérer de nombreux problèmes aussi bien internes qu’externes. C’est dans ce champ qu’il est possible d’entrevoir le véritable rôle de la stratégie. Ceci met aussi en place un certain nombre de paires opposées, telles qu’humanité/société, homme/individu, temps/espace, stratégie/domination. Mais aussi des dipôles complémentaires tels que maître/disciple, topostratégie/géostratégie. L’impuissance de la société face au temps provient de sa relation avec l’humanité. La puissance de la société se trouve uniquement dans le présent où évoluent les individus. Voilà pourquoi elle ne travaille pas avec la stratégie mais avec la domination. La stratégie par nature réfléchit dans le passé pour agir dans le futur. Aussi pour elle, le présent de la société n’est qu’un intermédiaire, une étape à franchir comme un obstacle mais qui n’a pas de sens en soi. Par ailleurs nous pourrions nous interroger quelle est la nature de cette différence entre l’espace et le temps puisque dans le cadre de la Relativité Générale, nous avons une équivalence dimensionnelle. Il est nécessaire de réaliser le fait que cette équivalence n’est consistante que dans un univers avec une partie imaginaire pour décrire le temps. En effet, l’espace est bien à 4 dimensions mais celles-ci n’ont pas le même signe dans sa signature. Aussi le temps et l’espace ne sont pas que des opposés comme nous les appréhendons au premier niveau d’analyse. Dans un cadre plus vaste, cette opposition se transforme en complémentarité sur l’influence de l’action de la stratégie. Car celle-ci a des implications dans les deux. Cette complémentarité est bien sûr visible dans les inégalités d’Heisenberg. Elle engendre donc un choix stratégique pour atteindre un objectif métastratégique. Et c’est justement cette action qui engendre le processus de résistance face à l’attrait de la domination.