5855 - Sur les inepties de la négation

N. Lygeros

Non seulement nous devons supporter les conséquences de la négation du génocide des Arméniens, mais aussi les inepties d’un gouvernement turc qui joue les avocats de la barbarie. Au-delà de la propagande de la négation, nous voyons de plus en plus le ridicule s’emparer de l’argumentation du déni. Cela ne doit pas nous inciter à ne pas regarder attentivement ce changement de phase de la politique de la négation. Car le ridicule ne tue pas, mais il est assez puissant pour déstabiliser une discussion qui se veut respectueuse des droits de l’homme. La négation du génocide est une chose que nous connaissons bien et son objectif est clair. Aussi il n’est pas difficile d’organiser notre résistance. Cependant combien d’entre nous connaissent la promotion de l’autre génocide qui n’existe pas et surtout combien d’entre nous réalisent la difficulté de ne pas tomber dans le piège de la confrontation.

Dans une négociation où la cause est perdue d’avance, la moindre erreur des justes peut être exploitée habilement par les bourreaux. De plus, traditionnellement l’empire ottoman puis la Turquie, sont capables de gagner des batailles importantes sur le plan diplomatique même après une défaite objective. Est-il est nécessaire de rappeler les circonstances du Congrès de Berlin de 1878 mais aussi les résultats des pourparlers ? Faut-il analyser les détails des négociations de Lucerne en 2004 ? Quant à la présentation du dogme stratégique de la Turquie, elle n’est pas sans rappeler le travail de propagande d’un futur chancelier de 1933. Aussi nous devons prendre garde même à ce que nous considérons comme ridicule en politique. Sinon nous risquons de tomber dans le piège de l’appareil de propagande qui ne tente pas seulement de nier le génocide des Arméniens mais aussi de dénigrer la cause arménienne dans son ensemble.

Les affirmations d’un premier ministre même si elles ne sont que de pacotille, n’en appartiennent pas moins à l’appareil d’un état qui n’a pas peur d’affirmer haut et fort des mensonges à l’encontre non seulement d’un peuple mais de l’arménité tout entière. La pureté de la race n’est que l’utopie d’une stratégie d’épuration pas encore menée à son terme. Le génocide des Arméniens, des Assyro-Chaldéens et des Pontiques ne sont que les trois formes d’une même stratégie de destruction systématique. Un seul et même état a décidé du sort de trois peuples afin de faire la promotion de l’espace vital des forts. Nous nous retrouvons dans une politique raciale qui est tout à fait comparable à celle de l’appareil nazi ou fasciste. Cela n’a rien d’étonnant puisque dans ce concours de l’horreur où seule la barbarie peut gagner, l’empire ottoman avait la primeur. Elle a même servi d’exemple à suivre dans la marche de l’horreur organisé par l’état

Ce serait une grave erreur de notre part que de penser au changement radical de la politique turque. Depuis des décennies elle va toujours dans le même sens avec le même objectif : la pureté des forts. Les rivières pourpres du racisme n’ont pas fini de couler et le chemin de la reconnaissance internationale du génocide est encore bien long. Aussi ne nous trompons pas sur les objectifs des mensonges et du ridicule. Ce ne sont des détails que pour les imbéciles qui ne veulent rien voir. Pour nous, ce sont des indices que nous devons utiliser efficacement afin de ne pas perdre le sens de notre cause mais aussi l’histoire de l’œuvre des justes. Le moindre dérapage suffit à commettre une erreur dans les négociations. Que les arguments soient ridicules ou pathétiques cela ne nous importe que peu. L’essentiel est ailleurs. Il s’agit d’un choix politique de l’appareil de propagande turc. C’est cela que nous devons combattre par tous les moyens que possèdent notre intelligence.