59 - Sur la nécessité d’une déclaration universelle des droits de la femme
N. Lygeros
En 1992, dans 45 pays, des femmes ont été violées par des agents des forces de sécurité. Cette phrase est accablante non pas en tant que résultat d’un discours mais en tant que fait.Il ne s’agit pas ici de répondre à la question qui malgré sa pertinence demeure naïve, à savoir : pourquoi dans toute l’histoire de l’humanité les femmes ont-elles subi l’injustice de la guerre et l’agressivité des hommes ? Mais plutôt de comprendre dans quelle mesure notre proposition initiale constitue un corollaire de la formule suivante : « L’état c’est le monopole de la violence ».
Nous nous tenons donc au cas où la violence et l’injustice que subissent les femmes est institué évitant ainsi, même si cela peut être contestable, les explications d’ordre psychologique chères aux disciples de cet art. L’institution de règles dans le domaine de la violence permet de passer d’un concept évolutif à une réalité juridique. C’est la structure qui instaure ces lois que nous voulons considérer indépendamment du fait qu’elle englobe aussi bien les notions d’état, de religions, que celles de sectes ou de clans.
Ce caractère massif et global de la violence institutionnalisée et qui s’oppose à la violence personnelle, locale et irrationnelle est très ancien. Déjà l’antiquité offre des exemples, en voici deux : Sicyone, ville indépendante dont le territoire s’étendait entre l’Argolide et l’Achaïe avait conquis Pellène et prostitué, dans un lieu public, les femmes et les filles des vaincus, et Denys de Syracuse vainqueur de Léophron, tyran de Régium, prostitua les femmes et les filles dans un lupanar. La violation des droits de la femme n’est donc pas une nouveauté, et ce même pour une procédure organisée. Il est probable que cette forme de violence soit une aliénation de la tradition qui a dégénéré une fois décontextualisée.
Si encore actuellement en Bosnie-Herzégovine des viols systématiques sont commis par des soldats serbes sur des femmes bosniaques c’est à cause de la loi du sang, puisque les enfants qui naîtront de ces viols seront considérés comme des serbes. C’est une façon d’anéantir une culture par l’intermédiaire d’une loi poussée à l’extrême. Ceci est encore plus flagrant lorsque les femmes qui sont violées sont des religieuses parce qu’alors l’acte a une deuxième conséquence : la transgression de la religion de l’agressée.
Même si cette logique de guerre ne dépend pas directement de règles édictées par des états, elle représente tout de même de par son action, un code international. C’est contre ce code latent dans toutes les armées du monde qu’il faut lutter, car son machiavélisme justifie l’efficacité de la violence systématique et l’acceptation tacite, résignée.
Seulement il ne faut pas que des actes violents qui marquent l’opinion publique ponctuellement, cachent des lois injustes envers les femmes. Des lois dont l’omniprésence dans la vie culturelle et traditionnelle de certains pays les rend invisibles i.e. médiatiquement invisibles. Comme l’interdiction de travailler librement qui frappe les femmes du Pakistan ; plus exactement, un seul travail est permis pour les femmes : c’est la prostitution.
Il ne s’agit donc pas de lutter contre des violations des droits de la femme de différentes sortes : certaines sont flagrantes et choquantes, d’autres sont subversives et tacites. Aussi il est nécessaire que tous les pays du monde s’accordent explicitement sur des lois universelles qui protègeront juridiquement les droits de la femme. Cette étape, qui peut sembler insuffisante pour certains, est absolument indispensable. En effet, elle permettra de faire sortir les injustices de leurs coquilles culturelles, traditionnelles, religieuses qui leur servent d’une certaine manière de tabous juridiques.
Pour condamner réellement, il faut d’abord pouvoir juger.