613 - Sur l’importance de l’esprit sur le corps
N. Lygeros
Dans des sociétés qui obéissent au système de la démocratie de masse et qui recherchent la manufacture de consensus, le sport est un élément clef. Bien que nous soyons conscients de celui-ci comme outil de propagande dans des systèmes totalitaires, il n’en demeure pas moins qu’il exerce une sorte de fascination sur la masse. Aussi les démocraties de masse font tout ce qui est possible pour l’exploiter.
Il est vrai que le sport en général et l’athlétisme en particulier permet d’énoncer des messages clairs sur le plan social. Il nécessite de la vigueur, de la concentration, de la persévérance, de l’endurance, de l’adversité. Sans oublier bien sûr une condition physique sinon exceptionelle du moins remarquable. De plus comme il représente une sorte de défi naturel, un moyen simple de se mettre des limites afin de les dépasser, il sert de moteur social artificiel. Dans une société qui considère que la marginalisation sociale est un phénomène inéluctable, le sport apparaît aux yeux de certains comme l’unique moyen de se sortir de cette situation, comme la planche de salut social. D’autant plus que les mass-media accentuent cette idée, en ne cessant de la mettre en avant.
De plus, comme le sport est pour ainsi dire par nature un spectacle de masse puisqu’il est très facile d’accès à travers sa diffusion il est de plus en plus considéré comme tel. Il est devenu, en particulier pour les chaînes de diffusion, un excellent moyen de promouvoir des produits et des marques à un public très large et bien souvent réceptif puisqu’à ce moment il est pour ainsi dire massifié dans un prétendu élan de socialisation. En somme le sport apparaît comme un moyen d’accéder à la société et comme un outil pour éviter de s’en sortir. Car désormais, il est pour ainsi dire impossible de ne pas être au courant de l’avènement d’un grand événement sportif. Tout le monde y contribue pour le bien de tout le monde et ce, au sein de démocraties qui se considèrent comme de fervents défenseurs de la liberté intellectuelle alors qu’elles opèrent à l’identique des régimes autoritaires en ce qui concerne ce domaine. Dans ces derniers le contrôle avait et a des avantages clairs. Il permet d’agir sur le corps à un moment où l’esprit n’y est pas encore indépendant et ensuite d’utiliser le corps comme moyen de propagande, sans parler de tous les dérapages que cela amène inexorablement.
Nous percevons à travers cette volonté de faire l’éloge du corps, le moyen de contrôler les esprits. Le corps n’est qu’un moyen, l’esprit est le but. En agissant sur la fascination naturelle qu’engendre le corps sur l’esprit, la propagande de masse contrôle l’esprit. Ce dernier trop concentré sur une activité saine initialement, finit par être totalement sous le contrôle de cette propagande subversive qui l’éloigne de vraies préoccupations sociales et politiques. Pour le contrôle des esprits, le sport n’est qu’un moyen comme un autre seulement il est plus accessible que d’autres et donc plus massivement exploité.
Ainsi à travers cette fascination de masse pour l’exploit singulier, les hommes sociaux perdent leur identité propre car ils pensent tous de la même façon. Et même si celle-ci était la bonne à partir du moment où elle est unique, elle ne peut être considérée comme telle. Car l’une des caractéristiques de l’intelligence humaine c’est la diversité et l’exploitation de ses propriétés. Ce n’est qu’en étant différents que nous sommes libres. En acceptant notre conditionnement social via le corps nous sacrifions notre liberté de penser, nous sacrifions notre esprit.