6246 - Transcription de la lettre 18 de Paul Faure. (22/11/1994)

N. Lygeros

                                                                             Paris, le 22 Novembre 1994
                   Cher Nik
   Il me faudrait toute une vie pour répondre
convenablement à votre incitation du 16. Et voici que
ma vie s’en va, avec le siècle. Pour ne pas en manquer
le jour et sans vouloir adhérer à la société des amis
de l’autre Nikos, je vous souhaite beaucoup d’heureu-
ses fêtes de saint Nicolas à compter du 6 Décembre
prochain.
   J’admire l’œuvre et l’art de Kazantzakis, mais
je n’aime pas sa devise, gravée sur son tombeau :
« je ne crains rien, je n’espère rien : je suis libre ». Outre
que c’est la négation même de toute foi et la porte
ouverte au désespoir et à l’égoïsme, on n’est jamais
libre 
: les physiciens en conviennent, les métaphysiciens
aussi. Seuls, les politiciens croient à la liberté (politique),
les capitalistes la réclament et les plus forts la
prennent sans la demander : Calliclès, dans le
Gorgias, je pense. J’ajoute que les Grecs de l’antiquité
n’ont jamais donné à ελευθερία le sens socio-idéaliste
que lui donnait Nikatz.
   Pour situer Itanos antique, recourez aux Inscriptiones
Creticae
que Margherita Guarducci (+Frederico Halbherr)
on publiées – avec des cartes – à Rome de 1935 à 1950. Elles
sont certainement à la Bibliothèque Universitaire de Lyon II
ou à la Maison de l’Orient.

   Comme aucune fouille archéologique n’a pu être
tentée – et pour cause ! –  sur et sous le fort Palamède,
il faut se résigner à admettre que les Egyptiens du
-XIVe s., parlant de Nu-pi-ri-ja, parlaient du port et
de son promontoire. Ah, s’il n’y avait qu’une faute de temps
et des coquilles dans l’article auquel vous faites allusion,
ce ne serait rien à côté des fautes de chronologie et
d’orthographe des noms propres qui sont le lot de tous les
historiens de l’antiquité. C’est chaque année, désormais, que
nous devons rectifier nos erreurs. Qui aurait cru, il y a
seulement 1 an, que le bbaistaja de la liste d’Aménophis III
et le pa-i-to des tablettes en écriture lin. B de Knosos
pouvaient désigner tout autre chose que la Φαιστός de
la Mesará, en l’occurrence le port même de Knosos ?
   Amusez-vous du disque phaistien et de tous ceux
qui croient l’avoir daté, lu dans le bon sens, déchiffré
et compris. A peu près chaque mois, depuis 1975, je
reçois une lettre, un article, un livre, me »prouvant », comme
Louis Godart, qu’il n’y a plus de mystère. – Hélas, la
case A V (= A 27 d’Evans) n’est pas seule à faire difficulté
pour les sinistroverseurs : outre l’addition de la case
A XXIX (A 3 d’Evans), ces messieurs veulent oublier les
quelque 32 corrections du texte et notamment celles qui
touchent leurs cases « initiales » et l’espace qui les précéderait
à droite : ils ont deux case vides, pas une ! Ce disque est
un essai d’artiste, du XXe siècle avant ou après J. – C. Un
véritable artiste reste unique en tous ses travaux. Alors
pas une seule chance de trouver un jumeau.
       
                                   Ο Νίκος νικά. Ο Παύλος τιμá.