6284 - Sur les répercussions stratégiques du kanban

Ν. Lygeros

Une approche simpliste du concept du kanban consiste à le considérer uniquement comme un outil de la logistique. Il contribue de cette manière à optimiser le rendement du transfert. Cette méthode initialement développée par l’ingénieur Taiichi Ono et mise en place sous-forme algorithmique via les 6 règles, est certes un précieux outil à ce niveau. Cependant réduire cette notion de flux tendu à cela consiste à commettre une erreur stratégique. Car la mise en place du kanban, en raison de son efficacité, avec un secteur privilégié qui est d’autant plus fermé sur le monde extérieur, qu’il est pertinent ou interne. Cette efficacité interne crée un cloisonnement parce que le système tente par tous les moyens d’être conservatif grâce à la minimisation des coûts de transferts. Cependant une conséquence de tout cela, c’est la dépendance relative des éléments constituants du système. Ce fonctionnement systémique, plus précisément, l’activité de cette machine de Wiener mais dans un monde clos, crée des barrières pour ainsi dire insurmontables lorsqu’il s’agit d’introduire un apport externe. En effet, pour remplacer l’interdépendance, il existe une difficulté interne. L’élément à remplacer doit être remplacé par un élément, pour ainsi dire équivalent, ce qui est un problème en soi. S’il est par trop différent, il va créer des problèmes dans le système. Seulement, s’il est seulement équivalent, le remplacement ne représentera pas un intérêt et peut même créer un coût dans la production. Aussi le sous-système de remplacement doit être d’une efficacité supérieure et absolument compatible. Ces caractéristiques mettent en place un processus d’isolationnisme. Ce rempart technique est de plus, nettement plus puissant qu’une simple décision politique car il est naturellement plus robuste contre les attaques extérieures. Et puis sa modification génère toujours un coût. Si nous examinons cette caractéristique du point de vue négatif, comme c’est souvent le cas de la part d’entreprises européennes lorsqu’elle considère le cas du Japon, il est vrai que nous voyons une muraille de Chine. Cependant dans l’autre sens, cela nous procure une méthodologie effective et efficace pour lutter contre les intrusions intempestives dans certains de nos domaines de prédilection où le rôle de la quantité et de l’innovation est extrêmement important et sensible. Ainsi il n’est pas nécessaire d’employer des moyens extérieurs de planification stratégique mais plutôt de se concentrer sur des schémas mentaux du management stratégique afin d’établir une stratégie robuste dans le sens où elle est capable de résister aux intrusions, tout en étant efficace sur le plan de la production proprement dite. Le concept du kanban a donc des répercussions stratégiques même si initialement il ne représente a priori qu’un outil certes innovant mais de logistique.