6374 - Le substrat mathématique de la recherche d’Archimède
N. Lygeros
Il est d’usage de considérer Archimède comme un génie indépendant et inclassable au sein des penseurs grecs de l’Antiquité. Cependant cette réduction est réductrice. En effet l’universalité du génie d’Archimède ne provient pas seulement de son indépendance intellectuelle mais aussi de sa capacité à synthétiser les travaux des géomètres de son passé. Ainsi dans son traité intitulé De la sphère et du cylindre, il n’hésite pas à mentionner explicitement les lemmes démontrés par le passé, sur lesquels il va s’appuyer pour avancer dans sa recherche. Il est de plus manifeste qu’il a lu Les Eléments d’Euclide dans le moindre détail. Considérons à présent les cinq lemmes qu’il mentionne. Ils se trouvent tous dans le tome XII d’Euclide et il s’agit des propositions 11, 12, 13, 14, 15 même si elles ne sont pas données dans cet ordre par Archimède.
« 1. Les cônes de même hauteur ont le même rapport que leurs bases ; les cônes de même base ont le même rapport que leurs hauteurs.
2. Si un cylindre est coupé par un plan parallèle à la base, les cylindres ainsi obtenus ont entre eux le même rapport que leurs axes.
3. Sont dans le même rapport que les cylindres les cônes ayant même bases que les cylindres et même hauteurs.
4. Dans les cônes équivalents, les bases sont dans le rapport inverse des hauteurs, et les cônes dont les bases sont dans le rapport inverse des hauteurs sont équivalents.
5. Les cônes dont les diamètres des bases ont le même rapport que leurs axes, c’est-à-dire que leurs hauteurs, ont entre eux le même rapport que les cubes des diamètres de leurs bases. »
Ces éléments ne signifient pas pour autant qu’Archimède se contente de les appliquer. Au contraire, une de ses premières remarques se décale nettement de ce qui précède tout en exploitant son existence mathématique.
« Tout rhombe composé de cônes isocèles est équivalent à un cône ayant une base équivalente à la surface de l’un des cônes comprenant le rhombe et une hauteur égale à la perpendiculaire abaissée du sommet de l’autre cône sur une génératrice du premier. »
Ce type d’exemple n’est pas unique dans la pensée d’Archimède, mais il a le mérite d’être révélateur de son mode de fonctionnement dans le cadre de sa recherche mathématique et pas seulement. C’est en prenant conscience de cet état de fait que nous pouvons comprendre plus aisément pourquoi sa pensée a, entre autres, servi de modèle à un autre génie universel de la Renaissance à savoir Léonardo da Vinci.