688 - Sur la notion de constante dans la théorie des séries divergentes de Ramanujan
N. Lygeros
La base de la théorie des séries divergentes de Ramanujan est constituée par la formule de sommation d’Euler-Maclaurin. Pour être plus précis, Srinivasa Ramanujan utilise un cas particulier de celle-ci à savoir : $somme(k=1, x) f(k) = c + integrale(0,x) f(t).dt + (1/2).f(x) + somme(k=1, infinite) (B(2k)/ (2k)!).f^(2k-1)(x)$. Et c’est grâce à la spécialisation de cette dernière qu’il introduit la notion de constante c définie par : $c = (-1/2).f(0) – somme(k=1, + infinite) (B(2k)/(2k)!).f^(2k-1)(0)$. Il est important de noter le fait que Ramanujan utilise cette notion indépendamment de la convergence de $somme( f (k) )$. Et il l’interprète dans un sens dont l’exactitude dans le cadre de sa théorie reste à déterminer malgré les interventions de Hardy pour la rendre rigoureuse. En effet, il affirme que la constante d’une série est semblable au centre de gravité d’un corps. Comme une conséquence triviale de la formule d’Euler pour la fonction de Riemann aux points pairs nous donne $abs(B(2n)) ~ 2. (2.n)!/(2.Pi)^(2.n)$ nous en déduisons qu’en général le dernier terme de la formule de sommation d’Euler-Maclaurin diverge. Cependant lorsque la série $somme( f(k) )$ diverge, la constante de cette série est normalement la constante de l’expansion asymptotique de $somme(k=1,x) f(x)$ lorsque x tend vers l’infini. Et lorsque la série $somme( f(k) )$ converge alors l’introduction du paramètre a de Hardy permet de la rendre rigoureuse en posant que a est infini. Par contre la théorie des séries divergentes de Ramanujan ne peut être entièrement conçue à partir de bases rigoureuses et c’est sans doute pour cela qu’elle induit des erreurs lorsque l’on tente de l’appliquer aux nombres premiers. A ce sujet les mots de Hardy sont révélateurs : “La théorie de Ramanujan sur les nombres premiers a été faussée du fait de son ignorance de la théorie des fonctions d’une variable complexe. C’était (pour ainsi dire) ce que la théorie pourrait être si la fonction zêta n’avait pas de zéros complexes. Sa méthode reposait en gros sur une utilisation des séries divergentes… Que ses démonstrations n’aient pas été valables, c’était prévisible. Mais les erreurs étaient plus profondes, et la plupart des résultats présentés étaient faux. Il avait obtenu des termes principaux de formules classiques, certes par des méthodes non valables ; mais pas un d’entre eux ne représente une valeur approchée aussi bonne qu’il l’avait supposée. Ceci fut un des grands échecs de Ramanujan.”
Pourtant malgré cette difficulté fondamentale d’asseoir rigoureusement la théorie, la notion de constante enrichit notre vision des séries divergentes. Sans se contenter des valeurs infinies obtenues par des méthodes classiques, elle transgresse notre intuition et engendre des résultats surprenants. Ainsi en appliquant la fonction $f(t) = 1$ au cas spécialisé de la formule de sommation d’Euler-Maclaurin, Ramanujan obtient $somme(1) = -1/2$. Alors que les sommes d’Abel et de Cesaro sont toutes les deux infinies pour cette même série. De même avec la fonction $f(t) = t$ et le nombre de Bernouilli, il obtient $somme(k) = -1/12$ mais grâce à une autre raison comme l’indique le calcul suivant : $c = 1+2+3+4+…$, $4c = 4+8+12+16+…$ donc $-3c = 1-2+3-4+… = 1/ (1+1)^2 = 1/4$ en exploitant la somme d’Abel pour la série $somme(((-1)^ (k+1)).k)$. Il est clair que ces résultats sont dans la lignée des travaux d’Euler. Pourtant, chez Ramanujan il n’y a plus le sentiment de transgression qu’éprouvait Euler, pour lui il existe une cohérence dans ces résultats qui est due à sa vision et à son approche particulière des mathématiques. Ces résultats sont les réalisations de l’esprit de Ramanujan à travers la notion de constante.