69 - La chanson de mon âme de Georges Dalaras
N. Lygeros
La valeur de la chanson n’est due ni aux paroles novatrices, ni aux formes musicales recherchées, ni à l’expressivité et au talent des chanteurs, ni à la technique des maîtres de la musique. Tout cela, bien sûr, c’est sa beauté. Nécessaire et indispensable pour la révéler, nécessaire et indispensable pour que nous ressentions la passion que la beauté provoque… Seulement la beauté est passagère, relative et change comme changent les hommes, les conditions et les situations.
La beauté ne promet aucune durée…
La valeur de la chanson est due au fait que dans les sons musicaux, dans les syllabes et les mots, se résume et se cristallise notre Mythe central. Celui qui est tissé dans les cellules les plus profondes de la mémoire d’un peuple, celui qui définit une patrie entière. C’est lui qui fait que la chanson émeut, charme, soulève, console les forts et les faibles, les initiés et les insoupçonnés. C’est lui qui conserve identique, inchangée l’émotion, la magie, la consolation et la révolte à travers les époques et même à travers les siècles.
Des belles chansons, il en existe beaucoup : nous leur devons la douceur de notre âme.
Des chansons de valeur, il en existe peu : nous leur devons le fait d’avoir une âme.
Lorque l’incohérence, la facilité et l’arrogance de l’époque rejetteront le son créateur de notre musique nationale, nous prendrons alors conscience du grand vide. Si jamais nous sommes coupés de manière essentielle de notre musique traditionnelle, unique par la richesse de son expression, telle qu’elle est passée dans la chanson traditionnelle, populaire et à texte, nous nous apercevrons de notre pauvreté musicale. C’est un devoir pour chaque auditeur de préserver ce son, et un devoir encore plus grand pour chaque musicien grec de le maintenir.
Ce pays a été béni en ayant peu de biens et un surplus d’âme.
Et une force d’âme inattendue qu’il a mise dans ses chansons, qu’il a fait voyager jusqu’à nos jours. Des antiques “chansons de l’hirondelle” aux hymnes du moyen-âge, des chansons traditionnelles, klephtiques, des îles et d’asie mineure jusqu’aux chansons rébétiques et aux chansons à texte. Tantôt voiles ferlées et naufragées, tantôt fières et superbes, contre vents et marées, elles ne nous demandent qu’une seule chose : de les faire voyager.
Passager de ce navire, je rends mes armes au Mythe.
Ainsi que ma mémoire et tout ce que j’ai été capable d’apprendre toutes ces années.
Des morceaux et des extraits de musiques, de lieux et de couleurs.
Parures et dons de l’âme…