690 - Un regard cognitif sur le processus de stabilisation sélective de Changeux et Danchin

N. Lygeros

Même si à la naissance, le cerveau a des caractéristiques morphologiques identiques à celles du cerveau adulte et si les deux hémisphères cérébraux sont clairement différenciés ainsi que leurs circonvolutions, les différences au niveau microscopique sont très importantes. C’est pour cela que nous le considérons comme immature. En effet pendant l’enfance, le cerveau va poursuivre son développement biologique. En 1967, Yakovlev et Lecours ont montré que les axones se myélinisent. En 1989, Changeux a mis en évidence la disparition des neurones et l’élagage des arborisations dendritiques. La myélogénèse cérébrale permet l’accroissement de la vitesse de conduction de l’influx nerveux et sa propagation d’une région cérébrale à une autre. Depuis les expériences de Flechsig en 1901, nous savons que le processus de myélinisation des axones est variable dans les zones cérébrales. Les études de Luria en 1973, de Stuss et Benson en 1986 ont montré que le lobe préfrontal parvient à maturité biologique plus tardivement que les structures cérébrales qui définissent l’unité d’éveil. Globalement le processus de myélinisation est en relation avec le degré de complexité de la région cérébrale concernée.

A la naissance, les cellules nerveuses constituées principalement de cellules pyramidales et de cellules étoilées, sont organisées en couches et confèrent au néocortex cérébral son aspect stratifié. Les cellules étoilées qui jouent le rôle d’inter-neurones, occupent une couche intermédiaire et servent de relais synaptiques entre les cellules pyramidales et les couches inférieures. Indépendamment de l’architectonie du néocortex, après la naissance nous assistons à une phase de prolifération dendritique qui rend les contacts synaptiques extrêmement redondants. Cette prolifération dendritique qui se déroule pendant les premiers mois fait qu’à six mois le nombre de contacts synaptiques est le double de celui qui est observé chez l’adulte. Cette phase est suivie d’une phase dite régressive durant laquelle certains neurones vont disparaître faute d’avoir établi, par le biais de leur axe, des connexions avec d’autres cellules nerveuses. Cependant cette phase de régression qui débute vers 1 an et se poursuit jusqu’à l’âge de 10 ans où le nombre de contacts synaptiques est identique à celui qui est observé chez l’adulte comme l’a montré en 1990 Huttenlocher, se caractérise aussi par ce que Changeux et Danchin ont appelé en 1976, processus de stabilisation sélective. En 1983, Changeux a montré que les arborisations dendritiques excédentaires et redondantes dégénèrent et que seules sont conservées les connexions synaptiques déjà intégrées dans un circuit neuronal fonctionnel.

Un regard cognitif sur ce processus de stabilisation sélective ne peut s’empêcher de l’associer à celui des algorithmes génétiques. La redondance initiale permet l’existence d’une sélection efficace dans la création de la structure neuronale fonctionnelle via une approche dynamique. La masse cérébrale va évoluer en une structure adaptée au mieux aux besoins neuronaux. Elle permet donc une grande diversité et une plasticité potentielle. Cela implique aussi la nécessité de l’activation de fonctions neuronales et donc la mise en place de problématiques génératrices dans le cadre d’un développement problématique. La puissance de la dynamique sur le potentiel doit être exploitée avec le plus grand soin pour éviter l’apparition de structures rigides pauvres incapables de s’adapter à de nouveaux schémas.