702 - De la difficulté de la simplicité en didactique
N. Lygeros
L’avantage d’un enseignement dans des conditions extrêmes i.e. avec des élèves en grande difficulté, c’est de mettre en évidence de manière explicite la difficulté de la simplicité. Car ce qui est simple est loin d’être simpliste. Bien souvent les difficultés rencontrées dans l’apprentissage proviennent de la non compréhension de données simples. De plus, ce qui nous semble simple en matière d’enseignement est plutôt le résultat d’un accord tacite entre l’élève et le maître que le fruit de la simplicité. Nous pourrions dire que le cours se déroule comme si auparavant il y avait eu des négociations sur le statut de la simplicité telle qu’elle est perçue par la majorité de la population. Seulement dans le cas d’élèves en grande difficulté et en particulier d’enfants avec un déficit en matière de quotient intellectuel, ces négociations tacites ne peuvent avoir lieu. L’existence de cette différence rend la tâche du maître mais aussi de l’élève beaucoup plus difficile. L’élève ne comprend pas nécessairement les sous-entendus du maître sous l’action de l’effet iceberg. Et le maître se retrouve dans une axiomatique si pauvre en termes de théorèmes utilisables qu’il doit par nécessité restructurer toute sa base de données. C’est pour cette raison que dans des cas extrêmes, nous devons nous efforcer d’échanger les rôles afin d’augmenter l’efficacité didactique. Le maître doit le plus possible exploiter un effet caméléon et se mettre à la place de l’élève en difficulté afin de se rendre compte in vivo de sa perception du monde. Et il doit le plus souvent possible, placer l’élève dans la position du maître, pour vérifier les acquisitions de l’élève. En effet il est parfois plus facile de se servir de cet intermédiaire qui permet de créer des erreurs artificielles qui doivent être corrigées par le nouveau maître à savoir l’élève que de demander à ce dernier d’analyser ses propres erreurs. Le maître se met donc dans un cadre de méta-enseignement afin d’avoir une autre vision, plus globale de son propre enseignement. Cette approche permet par ailleurs une approche plus ludique qui est plus accessible pour de jeunes enfants et qui permet d’éviter les erreurs engendrées par l’aspect magistral du cours. En relativisant, via le ludique, la gravité de l’erreur, le maître place l’élève dans un contexte qui a plus de degrés de liberté. Ainsi il peut mieux analyser le spectre de son apprentissage et modifier les règles heuristiques en matière de simplicité. Car l’analyse conceptuelle de la couche de la simplicité permet d’expliciter des sous-couches plus abstraites. Par exemple, l’activité de comptage qui est considérée comme simple est basée sur cinq principes cognitifs qui semblent être des prérequis à celle-ci. Ces cinq principes ont été décrits pour la première fois en 1983 par Gelman et Meck. Il s’agit de la correspondance terme à terme, de la stabilité de l’ordre, de la cardinalité, de l’abstraction et de la non pertinence de l’ordre. Or même s’il n’est pas évident d’accéder directement à ces principes, une fois explicités, ils peuvent considérablement aider le maître dans la tâche difficile d’expliquer le simple. Seulement une recherche préalable est nécessaire pour constituer la base de la didactique.