704 - Des frictions à la stratégie via la robustesse
N. Lygeros
Dans la recherche d’une solution à un problème d’ordre pratique, un point qui n’est pas suffisamment traité, c’est celui des frictions. Nous entendons les frictions dans le sens avec lequel Clausewitz les a introduites en stratégie militaire d’une part mais de manière plus générale sur le plan systémique d’autre part. De cette façon, nous considérons les frictions comme l’ensemble des problèmes internes à un système une fois qu’il est en contact avec le monde extérieur. Ainsi la notion de solution peut être interprétée comme un segment de l’évolution de ce système au sein de contraintes et il est nécessaire de lui associer l’idée de robustesse dans le cadre d’un problème d’ordre pratique. En effet, une solution peut être optimale sans être robuste. Pour cela, il suffit qu’elle représente un équilibre instable dans l’espace problème i.e. elle sera extrêmement sensible aux frictions. Le problème est alors de savoir s’il faut préférer une solution optimale ou une solution robuste. Le choix dépend bien sûr des contraintes extérieures mais aussi des données internes. Par exemple, si la solution représente une réalisation collective, la solution robuste sera préférable. Car la moindre perte d’information au niveau local i.e. pour l’un des membres du groupe, peut engendrer au niveau global une catastrophe au sens de Thom. A l’instar d’un système à flux tendu. Il est par ailleurs évident que plus nous nous éloignons de l’optimal plus la solution est robuste mais le problème du choix demeure car cette fois il faut choisir la distance à l’optimal et effectuer donc une considération conceptuelle. Toujours dans le cadre d’un problème d’ordre pratique, il faut admettre que les frictions représentent un paramètre irréductible. Elles sont indissociables au problème et leur exclusion est tout simplement une utopie simpliste. En partant donc du principe de leur existence nécessaire, le but n’est donc plus de les éliminer mais de les gérer de manière efficace via la notion de robustesse. Cependant en dernier ressort, il existe toujours un choix stratégique à effectuer. Car une solution non robuste est dangeureuse et une solution trop robuste est essentiellement inefficace. En interprétant cette problématique dans le cadre de la théorie des jeux, nous remarquons que ces deux choix extrêmes correspondent aux cas traités par von Neumann et Morgenstern, alors que les intermédiaires sont les analogues de la problématique de Nash. Ainsi, il est naturel de rechercher dans l’espace des états possibles, l’équivalent d’un équilibre de Nash qui n’est pas forcément orthodoxe mais qui permet de réaliser le meilleur résultat possible lorsque la résolution doit être collective. Le problème, c’est qu’il faut encore coder l’aspect cognitif du problème afin de le traduire totalement dans la terminologie de la théorie des jeux. Et c’est ici qu’intervient sans doute le plus la stratégie au sens de l’art et non de la science car tous les paramètres ne peuvent être numérisés de manière sinon évidente du moins canonique. Ainsi dans un problème d’ordre pratique via les notions de frictions et de robustesse et une approche semblable à la théorie des jeux, en explicitant l’aspect cognitif du problème nous mettons en évidence le rôle de la stratégie et plus spécifiquement dans les solutions de type collectif.