712 - Déficience et douance : quand les différences se rejoignent
N. Lygeros
Le problème générique de l’enseignement à des enfants qui ont une déficience en termes de quotient intellectuel ou à des enfants surdoués, c’est la spécificité. Globalement l’enseignement tel qu’il est conçu par les états est essentiellement un enseignement de masse qui s’adresse à la masse au sens normatif du terme. Aussi le contrat didactique exclut a priori la possibilité de différenciation des individus et donc ceux qui ont besoin d’un enseignement spécifique sur le plan cognitif lorsqu’ils arrivent à le démontrer doivent trouver un centre spécialisé ou accepter le décalage de l’âge scolaire. Dans les deux cas que nous traitons dans cet article, la solution la plus courante consiste simplement non pas à modifier l’enseignement dispensé mais à déplacer l’élève dans le cursus scolaire. Il assiste donc au même enseignement de masse seulement ce dernier est temporellement décalé. Par les contacts que nous avons établis dans les deux cas de figure, nous avons pu constater l’inadéquation du système. Même si le cas des enfants surdoués semble plus abstrait et moins consensuel, il n’en demeure pas moins qu’il se retrouve dans la même situation que celui des enfants qui ont une déficience. Ceux-ci sont officiellement mieux acceptés par la société mais en réalité les faits didactiques montrent qu’ils sont essentiellement abandonnés à eux-mêmes. Car ils se retrouvent dans des conditions qui ne peuvent que diminuer un individu même si ce dernier n’avait initialement aucune déficience. Le refus d’une scolarisation spécifique pour des prétendues raisons de socialisation ne trompe personne. Celui-ci ne représente un intérêt que pour les parents qui ne peuvent assumer leur rôle et pour la société dans son ensemble qui se contente de rembourser la présence d’un handicap. Dans les deux cas l’enseignement est essentiellement perçu comme inutile. En effet l’argument avancé pour les enfants surdoués, c’est que la véracité de l’état leur permet justement de dépasser les contraintes scolaires même si cette idée est en contradiction avec le fait que par exemple en France, un enfant surdoué sur trois est en échec scolaire. Quant aux enfants qui ont une déficience, le fait de considérer leur vie comme misérable justifie {it a priori} toute sorte d’enseignement puisque tout est bon à prendre. Il est bien sûr inutile de dire que nous nous opposons vivement à ces deux attitudes et que non seulement nous préconisons un enseignement spécifique mais nous tentons de le dispenser et de le faire dispenser dans l’ensemble des endroits que nous avons été amenés à visiter que ce soit en France, en Grèce ou à Chypre. Le paradoxe général, c’est que la société d’une part néglige globalement les enfants surdoués alors que localement tout le monde désire leur reconnaissance et d’autre part elle s’intéresse globalement aux enfants qui ont une déficience alors que localement tout le monde évite leur reconnaissance. Ainsi malgré les différences profondes qui existent entre ces deux cas, en les marginalisant, la société les place dans la même situation d’échec. Socialement parlant, la déficience et la douance représentent le même phénomène. Le problème n’est pas tant là puisque cela semble être une conséquence des démocraties de masse mais dans la similitude du traitement sur le plan didactique.