7277 - Stratégie au-delà de la pénalisation

N. Lygeros

Après cet échec cuisant mais prévisible dans le cadre du contexte politique français, nous ne devons pas seulement nous interroger sur la cause de son existence mais surtout sur les possibilités de passer outre la décision du Sénat, dans la légalité bien sûr. En effet, le débat semble clos auprès de nombreux observateurs mais aussi des combattants de la cause arménienne. Certes les premiers pensent assister à un jeu couru d’avance et les seconds avoir été manipulés pour des raisons géopolitiques. Ce n’est pas nécessairement faux comme raisonnement, mais cela ne représente qu’une de ses facettes et le réduire à celle-ci correspondrait à une erreur stratégique pour la cause. Il est tout d’abord clair que l’ensemble de la problématique du génocide s’inscrit dans un cadre géopolitique aussi cela n’a pas de sens de s’étonner des répercussions de celle-ci. Quant au jeu, il est évident qu’en jouant dans un coin de l’échiquier et uniquement de temps en temps, cela ne permet pas de prévoir les coups car il existe d’une part l’effet horizon et d’autre part l’effet de bord.

Il est nécessaire de repenser notre approche dans un nouveau champ d’action tout en restant dans le même cadre géopolitique puisque l’exclure de celui-ci relève d’un non-sens. Hors du champ d’action national nous avons celui de l’Union Européenne et en particulier du Parlement européen où le mode opératoire n’est pas national mais partisan. Ceci permettra d’ailleurs de clarifier les positions de chacun vis-à-vis de son parti politique puisqu’il n’existera plus l’excuse d’ordre national. Dans le Parlement Européen, nous avons un élément fonctionnel de base, à savoir la reconnaissance du génocide des Arméniens depuis 1987. Sur celui-ci, il est possible de mener une action qui semble initialement généraliste mais qui prend tout son sens, une fois déployée et mise en place. Notre objectif ne doit pas être spécifique au premier abord pour ne pas avoir à subir les mêmes pressions qu’en France. Aussi nous devons nous concentrer sur sa généricité et appliquer un mix stratégique au niveau des pouvoirs politiques des États membres de l’Union Européenne. Ce qui doit être clairement annoncé c’est la poursuite du processus de réparation et présenter la pénalisation comme simplement le second stade de celui-ci après la reconnaissance.

Il suffit donc de prôner et de faire la promotion au niveau des partis politiques du Parlement Européen, de la volonté de pénaliser toute négation des reconnaissances passées et futures du Parlement européen. Il n’existe rien de spécifique, aucune cible particulière. La notion de génocide via la charte des Nations Unies et la reconnaissance existe en temps qu’action au niveau du Parlement Européen. Il s’agit donc d’effectuer une extension de ces notions, toujours dans le cadre du processus de réparation et d’appliquer ceci de manière générique à tout génocide reconnu. Nous pensons d’ailleurs qu’il est possible d’étendre cette manière d’opérer à tous les crimes contre l’humanité. Seulement, la mise en évidence et exergue de la notion de génocide permet de traiter le noyau du problème quitte à l’étendre par la suite. Par ailleurs il permet la convergence assurée du mix stratégique indépendamment des sensibilités initiales de chacun dans le cadre de son parti. Cette manière d’agir permet de désenclaver notre approche actuelle et nous assure une stratégie robuste et cohérente au-delà de la pénalisation.