Deux chercheurs dans les archives…

– Sais-tu que le personnage de Sganarelle est antérieur à celui de Dom Juan ?

– Comment ?

– Si, si regarde !

Il lui montre un document ancien.

– Je le vois… Ainsi Molière l’a créé en 1660, à la manière des Italiens.

– Mais le plus important, c’est…

– Quoi donc ?

– C’est toujours lui qui l’a interprété dans toutes ses pièces.

– Et la naissance du personnage de Dom Juan ?

– Elle date de la première représentation de la pièce.

– Le 15 février 1665 donc.

– Exactement.

– Molière l’a créé à 43 ans.

– Cela donne un indice supplémentaire sur la nature de Dom Juan.

– Nous sommes bien loin de Roméo et même de Casanova…

– Quinze représentations ont suffi pour le faire remarquer des dévots.

– Aussi la censure n’a pas manqué de le frapper.

– Pas tout à fait… Il lui a été expliqué qu’il était préférable de cesser ce succès…

– Certaines répliques trop hardies sont coupées par Molière dès la seconde représentation !

– Comment le sais-tu ?

– Il nous a laissé des traces…

– Des traces, dis-tu ? Dans les manuscrits…

– J’ai retrouvé des notes…

– Alors ? Donne-moi un exemple.

– Regarde dans l’Acte premier scène III.

– Dona Elvire, Dom Juan et Sganarelle.

– C’est cela. Et bien après l’avant dernière tirade de Dona Elvire qui se termine par…

– « Mais sache que ton crime ne demeurera pas impuni, et que le Ciel dont tu te joues me saure venger de ta perfidie. »

– Dom Juan répond : « Sganarelle, le Ciel ! »

– Mais cela n’a rien de bien méchant…

– Seulement ceci est complété par Sganarelle.

– « Vraiment, oui, nous nous moquons bien de cela, nous autres. »

– Tu vois ?

– C’est clair. Vu le précédent échange entre le maître et le valet, Molière n’y va pas de main morte. Il n’y a vraiment que toi pour voir ce genre de détails.

– Cependant, ils sont révélateurs…

– De quoi ?

– Le fond n’est pas une histoire de femmes…

– Mais…

– Une révolte humaine contre l’hypocrisie du système.