74 - Source de grécité

N. Lygeros

Il y a quelques années, j’ai entrepris de suivre le séminaire d’Études Homériques à la Maison de l’Orient Méditerranéen. Un jour, notre professeur, M. Casevitz, nous a apporté des photographies de tablettes en linéaire B pour nous proposer de les étudier grâce au syllabaire qu’il nous avait distribué. Aussi fut-il surpris lorsque je me suis mis à lire directement dans le texte mycénien.

Sa surprise provenait simplement de notre approche différente du domaine. Pour lui le mycénien, comme le grec ancien, c’est un objet d’étude. Pour moi, il s’agit de la langue de mes ancêtres et je me dois de la vivre de l’intérieur car le grec est vivant ! Et de même pour notre histoire. On ne peut se contenter d’étudier l’Antiquité ; il faut aussi vivre le contemporain car la diachronie hellénique forme une unité.

Imaginez alors ma joie en découvrant, grâce à mon ami, P. Nicolaidis, l’existence de la Société Historique Alexandre Soutsos dont l’une des premières actions avait été l’envoi à tous les députés de l’Assemblée Nationale du livre La Romanie refleurira qui m’avait tant ému et passionné.

En lisant les statuts de la Société qui fixaient son domaine d’étude à la période 1453 – 1923, j’ai pensé que cette initiative était heureuse pour faire connaître l’histoire contemporaine de la Grèce.

Les grands pays ont souvent le droit du sol alors que les petits ont bien souvent celui du sang. La raison en est simple, c’est le phénomène de la diaspora. Et notre diaspora ne peut vivre en tant que telle que si ses racines plongent dans la mémoire hellénique. Celui qui ne connaît pas son passé n’a pas d’avenir.

Notre pays, berceau de la civilisation européenne, n’est pas uniquement la terre du soleil, c’est une âme. L’âme d’un peuple qui a grandi dans la misère et la souffrance, et qui a appris la liberté à travers l’esclavage.

En prenant conscience de cela on éprouve la nécessité d’accomplir une tâche pour le monde grec. Et pour cela l’outil historique est fondamental. Contrairement à ce que l’on pourrait naïvement penser, l’histoire n’est pas une succession de faits objectifs. C’est un objet complexe dont les représentations nécessitent des interprétations actives de la part de ceux qui l’étudient et tentent de le comprendre. Et bien souvent l’histoire officielle n’est que la surinterprétation de ceux qui détiennent le pouvoir. Aussi pour faire comprendre ce que signifient l’entité et l’âme grecques, il est indispensable de les aimer intellectuellement et avec passion. C’est cet état d’esprit que je retrouve dans la Société Historique Alexandre Soutsos.