740 - L’enfant qui reconnaissait les étoiles
N. Lygeros
Le monde était difficile pour lui. Tout lui semblait étrange et beau à la fois. Dans sa tête régnait la plus grande des confusions, celle du monde imaginaire. Il pensait simplement et pourtant tout était complexe. Il avait du mal à savoir ce qui était vraiment important aussi il s’attachait aux détails. Même les mots entendus, lui parvenaient comme des nuages dans un brouillard. Malgré tout il estimait ces nuages. Il aimait qu’il pleuve, même s’il avait l’impression que le ciel pleurait. Seul le silence était limpide. C’était le désert des mots et l’absence de maux. Le silence était doux et dur à la fois. Il ne le blessait pas mais il se sentait terriblement seul en sa présence. Le silence lui permettait de contempler les images du monde. Chaque détail était un sujet d’émerveillement pour lui comme s’il était né devant lui, au moment où il l’avait regardé. Dans ce monde, les hommes étaient rares. Ils n’apparaissaient que sporadiquement dans sa vie. Ils ne lui adressaient la parole que de manière exceptionnelle. Pour sa part, il évitait de communiquer avec eux sauf lorsque cela était vraiment nécessaire car il ne comprenait pas leurs réponses à ses questions. Il avait l’impression d’entendre la tempête dans son esprit. Cependant même s’il avait peur, il aimait cette tempête car en ces moments il prenait conscience de son existence à travers les autres. Il devait souffrir pour exister alors il avait fini par aimer souffrir. Lorsque la tempête de mots s’abattait sur lui, il était heureux qu’il pleuve. Comme si le temps lui adressait la parole. Comme si c’était le temps de la parole. Néanmoins ce qu’il préférait par dessus tout c’était de compter les étoiles. Il aimait cette forme étrange. Tous les hommes disaient qu’elles se trouvaient dans le ciel mais lui, il ne les reconnaissait que sur terre et sur des dessins. Elles étaient simples et complexes à la fois. Simples car elles avaient toute la même forme. Complexes car il ne savait les compter. Elles étaient les mêmes et elles étaient différentes à la fois. Il les touchait du doigt en prononçant toujours le chiffre un. C’était ainsi qu’il faisait comprendre aux hommes leur unicité.