7541 - Sous les épis de maïs

N. Lygeros

– Maître, avez-vous une impression de déjà-vu ici ?
– Déjà-entendu plutôt.
– Soit.
– Mais pourquoi donc cette question ?
– Je m’interrogeais sur la nature des choses dans ce village.
– Et qu’en est-il ?
– Le temps n’est pas linéaire ici.
– Ailleurs, il en est de même.
– Seulement, ici, cela est visible, même pour moi.
– Je ne pourrai donc te contredire.
– N’est-ce pas étrange ?
– Cette nouvelle acuité ?
– Oui.
– Non.
– Est-ce tout ?
– Pour cette question, oui.
– Alors puis-je poursuivre ?
– Certes.
– Sur cette table en bois, sous ces épis de maïs, ne vous êtes-vous pas déjà assis, il y a fort longtemps ?
– Il est vrai.
– Dans quel but ?
– La vision de l’arbre.
– Celle du tilleul ?
– Il n’a pas toujours été là.
– Un autre arbre alors ?
– Un chêne.
– Je vois.
– Cela est bien.
– C’était donc nécessaire.
– C’était une question de temps.
– Avant la mort alors.
– Non, après.
– Je ne vous entends pas.
– Il fallait retrouver le musicien. C’était l’accord que nous avions fait.
– Cet accord a-t-il été tenu ?
– En partie.
– Ils l’avaient déjà…
– Oui.

Le maître versa un peu de son cidre sur le plancher et contempla à nouveau l’arbre dans le silence. Le disciple se tut. Il connaissait ses limites dans la souffrance et il n’aurait sans doute pas supporté la suite du récit.