75603 - L’amour des pinceaux

Ν. Λυγερός

Il pensa que même ceux qui aimaient la peinture ne s’occupaient guère de la qualité des pinceaux. Ils avaient sans doute l’impression que leurs traces n’étaient pas visibles. Aussi ils ne contemplaient que la peinture sur la toile comme un produit en tant que tel et non pas l’aboutissement d’un processus créatif. Et pourtant, il ne savait que trop bien qu’il était possible de déceler leurs mouvements car la peinture et spécialement la peinture à l’huile n’était que leurs traces. Ceci était particulièrement visible qu’elle était généreuse. En effet, lorsque la masse chromatique était importante, les coups de pinceaux avaient même une troisième dimension. Voilà pourquoi les pinceaux étaient si importants à ses yeux. Il examina sur son bureau leurs différentes caractéristiques. Ils avaient tous une téléologie. Ils étaient l’étendue de la main mais avec des propriétés qui lui étaient totalement inaccessibles. C’est pour cette raison que les pinceaux en soie naturelle avaient sa préférence. Cette souplesse et en même temps cette robustesse capable d’emporter avec elle le poids de la couleur n’était pas sans lui rappeler la source de l’essence de la peinture. Cette dualité mentale, il l’avait sentie sur sa propre peau qui était devenue une nouvelle toile.