814 - Quand le passé explique le futur
N. Lygeros
Lorsque Albert Camus écrivait son article intitulé L’enfant grec en 1955, c’était pour défendre la cause du jeune étudiant chypriote Michel Karaolis peu de temps avant la première pendaison par des Britanniques. Certains ne verront dans cet article qu’un écrit circonstanciel. Cependant en lisant attentivement le texte, nous comprenons que l’écrivain grâce à son talent journalistique avait déjà remarqué la dimension stratégique du problème chypriote avant l’heure. En effet, il écrivait « Pourtant l’Angleterre ne nie même pas la légitimité de la revendication chypriote, ni que 80% des habitants de l’île soient grecs ni que des élections libres donneraient une écrasante majorité pour le rattachement. Son seul argument soutenu d’ailleurs, il y a quelque temps par un écrivain français, est d’ordre stratégique. Chypre est le porte-avions avancé de la puissance britannique occidentale. » Et il poursuivait son analyse ainsi : « Les conservateurs anglais ne s’opposent [au rattachement] en réalité que dans la mesure où, après avoir abandonné l’Egypte, pour garder Suez, ils ne veulent pas perdre la face. Mais ils perdront bien plus que la face si le maintien, forcément provisoire, de la situation actuelle doit être payé par le meurtre d’un enfant. Le temps des empires s’achève, celui des libres communautés commence. » Albert Camus avait raison mais une fois de plus l’histoire n’est pas allée dans le sens de la justice puisque les Anglais ont pendu haut et court 9 résistants chypriotes. Cependant cela n’a pas empêché l’indépendance de Chypre même si cela n’a pas modifié de manière essentielle le rôle de l’Angleterre sur l’île, puisqu’elle était aussi l’instigatrice de la création de la notion bicommunautaire qui a engendré par la suite les événements de 1963. Dans la continuation de cette activité, on peut mettre à son compte l’évolution de la situation locale après l’invasion violente et l’occupation illégale de l’île depuis 1974. Il n’est donc pas étonnant qu’encore de nos jours, soit trente ans après, les anglais diplomates tentent d’imposer leur point de vue via les pressions qu’ils exercent afin que le plan Annan soit accepté juste avant l’entrée de Chypre dans l’Union Européenne qui lui garantira enfin une paix et une liberté qu’elle souhaite depuis longtemps comme l’écrivait déjà notre grand écrivain Albert Camus.