Le tempo n’était pas une abstraction au jeu d’échecs
et encore moins en musique.
Il était fondamental quant à la manière de jouer.
Ce n’était pas une question de rythme ou de nuance.
C’était une question de durée dans le temps.
C’était un plaisir qui s’enfonçait avec lenteur
à l’intérieur de l’âme.
Voilà pourquoi ils aimaient jouer ensemble.
Car ce moment était la continuation
des exercices temporels.
C’était en quelque sorte l’étape ultérieure
où les sentiments venaient toucher de plein fouet
la pensée des âmes.
Les instruments résonnaient comme des corps.
C’était un amour indépendant de la distance.
Il aimait les instruments qu’il embrassait.
Elle aimait les instruments qui l’embrassaient.
Ils étaient donc complémentaires
dans ce lien harmonique.
Il aimait lui offrir son essence,
elle aimait la boire.
Ils étaient le don et la grâce.
La grâce demandait le don.
Et le don offrait la grâce.
Ce n’était plus un simple échange
mais une harmonie de l’essence.
Elle ressentait pleinement cela
dans le temps de la musique
mais aussi dans la musique du temps.
Cette forme d’amour était plus profonde.
C’était ce changement entre la clarinette
et le saxophone soprano.
L’une avait la délicatesse
et l’autre la puissance
mais ils avaient les mêmes doigtés
et le même plaisir à faire plaisir
dans le temps.