838 - Présence onirique

N. Lygeros

Il n’était pas inscrit sur une carte. Il était impossible d’identifier cet endroit. Il semblait pourtant connu de tous. Sans consistance, le paysage évoluait de manière irréaliste. Pourtant personne ne s’en inquiétait. Nous n’étions qu’un petit groupe de personnes, isolé de tout, isolé de tous. Nous marchions dans l’eau comme si c’était notre élément. Puis nous nous mettions à nager comme pour reprendre le chemin de l’évolution mais dans le sens opposé. Nous nagions côte à côte. Nous étions inséparables. Quelque chose nous liait les uns aux autres. Nos membres inférieurs à peine palmés se débattaient dans cette course de l’océan. Nous avions tous en tête l’image d’une bande de dauphins. L’évolution avait transformé leur corps au point de les rendre parfait et en même temps dépendants de leur milieu. Leur parfaite adaptation au milieu les rendait inadéquats pour les autres. A l’instar de l’Albatros de Baudelaire, leur grandeur semblait démesurée. Dans un monde où tout était petit, ils ne pouvaient être que trop grands. L’unique solution, c’était l’océan. Telle était l’idée qui dominait nos esprits au moment où nous franchissions le passage. Il fallait changer à nouveau. C’était nécessaire, nous le savions tous. Nous nous rapprochâmes les uns des autres pour ne pas subir trop violemment, le choc. Nous étions les seuls à comprendre notre langage. Nous étions les seuls à l’utiliser. Nous ne l’avions pas créé et pourtant nous le comprenions. Il était étranger aux autres et pourtant il parlait d’eux et du monde. Nous étions étrangers aux autres et pourtant nous étions là pour eux. Nous pensions être prêts pour la traversée. Seulement aucun d’entre nous n’aurait pu prédire les évènements qui suivirent. Nous étions aux limbes du monde plus unis que jamais et plus seuls que jamais. Nous vivions la fin d’un rêve auquel personne n’avait songé. Nous vécûmes la fin de la réalité et nous traversâmes le futur. L’impensable était vrai et nous l’avions vécu. C’était ainsi que s’était achevé notre monde.