9013 - Pourquoi mourir deux fois ?

N. Lygeros

Pourquoi mourir deux fois ? Telle est la question. Le suicide n’est qu’une étape qui ne permet pas l’aboutissement. Mais la seconde mort atteint l’essentiel. Non, cette problématique n’est pas formelle. Elle n’est pas non plus un simple essai littéraire pour une nouvelle philosophie. Nous parlons bien de la vie et de la notion de sacrifice. Les exemples de Stavroguine et de Kaliayev ne sont pas des cas extrêmes comme ceux de Dom Juan et de Kirilov. Mais ils proviennent de la réalité. Voilà ce qu’il ne faut pas oublier dans cette analyse. Nous pensons comprendre aisément la notion de résistance mais qu’en est-il de celle de sacrifices ? Pouvons-nous la concevoir en relation avec le suicide ? Ou cette dernière idée nous choque-t-elle ? Prenons l’exemple de Socrate pour éviter celui de Jésus. Devons-nous considérer que Socrate s’est suicidé ou s’est sacrifié ? Car nous ne devons pas oublier que ses disciples lui avaient indiqué qu’ils pouvaient le faire évader. De plus, Socrate a effectué une double apologie. Comme la première pouvait être interprétée diplomatiquement par les tenants des accusations de la rhétorique, Socrate a forcé le trait de la seconde pourrait être finalement condamné à mort. Cette mort est-elle vraiment différente d’un suicide ? Est-ce la condamnation qui fait la différence où celle-ci n’est-elle qu’un moyen pour faire passer le message ? Pour un homme qui n’a jamais rien écrit, était-ce un moyen de coder la mémoire des hommes. Ce moyen, semble-t-il monstrueux, est-il nécessaire ? N’est-ce pas un stigmate qui condamne la société locale pour n’aborder que l’Humanité dans son ensemble. N’est-ce pas une manière de mourir deux fois ? Et celle-ci n’est-elle pas nécessaire en tant que changement de phase pour montrer l’importance de l’œuvre et non de la personne. Car Socrate, tel que nous le connaissons désormais, l’aurait-il été, s’il n’était pas mort ainsi. Cette mort étrange au-delà de la mort naturelle, dans le sens où elle est voulue, alors que cela ne semble pas nécessaire, n’est-elle pas le signe du sacrifice qui s’inscrit dans un acte double ? Mourir deux fois pour faire vivre l’œuvre, telle est la raison.