91 - Au bord du ciel et de la mer
N. Lygeros
Par son insupportable légèreté, la Grèce tient du ciel.
Une légèreté que nous pourrions qualifier de socratique.
Devant la gravité permanente du contexte historique,
la légèreté représente une sorte de survie.
Un moyen d’affronter le destin.
Le destin d’un peuple en quête d’absolu.
Un absolu nécessaire, celui de l’existence.
Chez nous l’existence diachronique est synonyme d’éternité de l’instant,
d’où la conscience de détenir un trésor lorsque nous parlons d’histoire.
Nous marchons avec légèreté afin de ne pas écraser nos vestiges.
Par la profondeur de son histoire, la Grèce tient de la mer.
Une histoire qui a la beauté de l’invisible.
Son caractère invisible n’est pas dû à l’obscurité
mais à l’accumulation de lumière ; un paradoxe alexandrin.
Comment voir dans la multitude du visible?
Chaque parcelle de notre pays est chargée d’histoire.
Alors que vaut l’essentiel lorsque tout est important?
Chez nous l’existence synchronique est synonyme d’omniprésence de l’histoire,
d’où la conscience de détenir un trésor lorsque nous vivons l’instant.
Nos pas sont profonds afin de toucher notre mémoire.
La force de la Grèce c’est d’être une frontière entre le ciel et la mer.
Un point de contact entre deux mondes bleus.
Les îles dans la mer, les cimes dans le ciel.
Une terre gorgée de lumière qui réchauffe son peuple.
Un peuple attaché à sa terre comme le langage à la pensée.
Notre langue est comme ce marbre antique
que nous retrouvons dans les églises byzantines et les forts vénitiens,
elle appartient à la structure fondamentale du Grec.
Le Grec qui, depuis des siècles,
contemple le ciel et la mer.