2310 - La pupille dans le manuscrit de Madrid de Leonardo da Vinci
N. Lygeros
Leonardo da Vinci ne pouvait se contenter d’étudier l’art de peindre sans examiner les propriétés de l’œil et en particulier la pupille. Pour le cadre général le Codex Atlanticus donne le ton.
« Ici les formes, les couleurs, tous les aspects des parties de l’univers sont réduits à un seul point, et ce point est tellement merveilleux ! Ô admirable, ô étonnante nécessité qui par ta loi force tous les effets à se rattacher par le moyen le plus direct à leur cause ! Ce sont là les miracles…
Que (l’image) peut, dans un espace si étroit, renaître et se recomposer selon toute son extension. Décris dans ton anatomie quels sont les rapports des diamètres de toutes les images dans l’œil, et quelle est leur distance du cristallin. »
Cependant c’est dans le manuscrit de Madrid que Leonardo da Vinci s’interroge plus précisément sur la pupille. Il énonce ses observations et argumente ses réflexions.
« 1. La pupille de l’œil diminue en grandeur à mesure qu’augmente la lumière qui l’impressionne. »
Il faut comprendre que c’est l’œil dans son ensemble qui est impressionné. Leonardo da Vinci n’effectue pas de confusion anatomique. Pour lui la pupille est une partie de l’œil qui a une fonction déterminée et il recherche ses caractéristiques de manière globale.
« 2. La pupille de l’œil grandit d’autant que diminue la clarté du jour ou de toute autre lumière qui l’impressionne. »
Cette fois Leonardo da Vinci met en évidence l’aspect symétrique de la propriété de la pupille. Il ne se contente donc pas de la première observation. Il précise le resserrement de la pupille malgré l’a priori évidence de cela. Aussi il faut voir dans sa remarque l’analogie c’est-à-dire que la fonction qui relie l’ouverture de la pupille à la clarté est du même type dans les deux sens. Nous n’avons donc pas de phénomène d’hystérésis.
« 3. L’œil voit et connaît d’autant mieux les choses placées devant lui que sa pupille est plus dilatée ; et nous prouvons cela à l’aide des animaux nocturnes comme les chats, et d’oiseaux comme les hiboux, etc., chez qui la grandeur de la pupille varie beaucoup, dilatée ou resserrée, etc, suivant qu’il fait noir ou clair. »
Le modèle de Leonardo da Vinci est analogique. Il considère qu’il est du même type chez les animaux et il exploite le fait que le phénomène est d’ordre plus important. Il confirme ainsi sa remarque sur la pupille humaine via une modélisation animale et le changement de grandeur du phénomène…
« 4. L’œil placé dans l’air éclairé ne distingue rien derrière les fenêtres des maisons (dont l’intérieur est cependant) éclairé. »
C’est la différentiation qui explicite l’habituation de la pupille. Leonardo da Vinci montre qu’elle s’adapte à son environnement local et qu’elle ne peut voir de la même manière deux points de différente luminosité. De là il en déduit une nouvelle propriété plus générale mais qui provient elle aussi de la pupille.
« Toutes les couleurs paraissent également obscures dans un endroit ténébreux. »
Le fait ne provient pas de la nature mais de la pupille. Aussi Leonardo da Vinci met en exergue l’observateur, dans l’observation sans se contenter d’étudier l’objet observé.