2122 - Transcription de la lettre d’Alexandre Carathéodory à Stéphanos Chryssidhys du 31 Juillet 1885
N. Lygeros
Mon cher Chryssidhy
J’ai sous les yeux votre lettre du 25.
Merci pour toute la peine que vous vous
êtes donné pour l’affaire du raisin, j’
espère qu’on nous répondra et que je
pourrai dire deux mots d’encourage-
ment aux gens d’ici qui se sont donné
réellement beaucoup de peine pour cette
expédition.
J’espère aussi que vous avez pu aussi
remettre les 200 Lt. à S. E. le Ministre
de la Marine. Cet argent nous n’avions
pu le lui payer car nous attendions
toujours ses ordres pour savoir à qui
nous devions le remettre. Le 16 il me télé-
graphie pour me demander d’urgence
l’argent à Constantinople. Le 17 je
lui réponds que l’argent lui parviendra
par bateau Autrichien du Lundi c-à-d
du 22. Le 20 il m’écrit une lettre dans
laquelle sans faire mention de mon
télégramme du 17, il se plaint de n’
avoir pas reçu l’argent et m’engage
derechef à le lui expédier. J’ai cru
qu’un pareil procédé méritait d’être
relevé et je lui écris aujourd’hui
une lettre d’explication. Ayez la bonté
de la lui faire parvenir. Faites remettre
aussi les deux autres à S. A. Edhem
Pacha, elles sont relatives à un
envoi de livres qu’il m’a fait.
Dans l’intervalle je vous ai adressé
deux télégrammes l’un relatif aux
pouvoirs à donner au vicaire du
métropolitain, l’autre concernant
la nomination du médecin sanitaire.
Et d’abord, le métropolitain peut être
bon ou mauvais, il sera maintenu ou
non, que je ne vois pas quel intérêt
a le Patriarcat à ne pas donner
à ce même prêtre que le métropoli-
tain avait installé les pouvoirs
nécessaires pour mettre à la raison
les misérables qui profitent de
la complication actuelle pour
faire à leur tête. En mettant tant
de retard pour l’exécution d’une
simple formalité on prouve qu’on se
soucie fort peu des intérêts et du décorum
de la discipline ecclésiastique.
Quant au médecin sanitaire. Je sais
qu’on veut renvoyer à Samos Obermayer
que celui-ci résiste le plus qu’il peut,
que nous sommes menacés du choléra,
et qu’en attendant notre salut se
trouve entre les mains d’un centenaire
le Dr Auerbach qui est un excellent
homme sans doute mais qui est arrivé
à l’âge où l’on doit se reposer fait
son travail par acquit de conscience.
Je leur ai proposé quatre médecins
indigènes les uns meilleurs que
les autres. Que veut-on nous imposer
pour la 19ème fois un étranger ?
Veuillez en parler s’il en est temps
encore au Ministre à Fakhni et à tous ceux
qui peuvent influer sur la situation.
Tâchez aussi de voir Obermayer. Prenez
pour prétexte la maladie de son enfant.
Dites-lui que j’ai appris cela par
hasard et qua je vous ai prié de
demander de ces nouvelles. En attendant
faites-le causer, pour apprendre où en
est l’affaire. Mettez-vous à sa
disposition si vous pouvez lui être
de quelque utilité etc. Mais soyez
sur vos gardes.
Je vous envoie aussi deux lettres
pour le Patriarche. Dans l’une
je réponds à une demande qu’il
en avait faite touchant un paiement.
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annuel de 50 Lt. pour la caisse
du Patriarcat et pour lequel nous
serions en retard depuis 1882. Je
m’excuse là-dessus envers la Sainte-
té en lui disant que dans les Assemblées
des années 83-84-85, il n’a pas été
question de ce subside, et que par
conséquent je ne dispose pas de
fonds dans ce but, que d’ailleurs
les Assemblées votent et paient annuellement
du secours pour la caisse de nos
établissements de charité.
Dans l’autre il est question de
l’affaire du Métropolitain. Le
Patriarche m’écrivit par Stama-
tiadès qu’il enverra un exarque
mais, dans un style qui signifie
que l’exarque quittera Consple [=Constantinople] aux
calendes patriarcales. Je le supplie
donc de nous envoyer l’exarque
le plus tôt, et je m’excuse en
même temps de la publication
donnée à la décision de l’assemblée
concernant la métropolitain et son
(publication qu’il a l’air de me reprocher) Note : mis ici par erreur d’A. C., à mettre 3 lignes au-dessus.
subside, en lui faisant remarquer
que tous les actes de l’Assemblée
étant publiés je ne pouvais pas
retenir par devers moi une déclara-
tion faite à la face de l’île.
Venons au fond. Certes la temporisa-
tion aurait pu avoir du bon, mais
à une condition, c’est qu’on se
servirait du temps comme d’un
calmant et non comme d’un excitant.
Or c’est précisément ce qu’on a fait.
On a mis en campagne une foule de
personnes, on a cherché à influencer
les sénateurs, on a voulu les intimider
et le résultat est que les choses
sont pires qu’elles ne l’étaient.
Je vois dans les journaux qu’un
grand nombre d’évêques et d’
archevêques sont dans la même
situation que le Métropolitain de
Samos, n’y aurait-il pas moyen
de faire un échange. Le Métropoli-
tain a eu le tort de se mêler de
politique il en recueille les fruits.
Il a été dénoncé par le Prince
il a été rejeté par l’Assemblée pour
revenir là-dessus il aurait fallu de
la patience tout au moins. Au lieu
de cela on veut encore se servir d’un
parti, on intrigue, eh bien je m’en
lave les mains. Après cela si vous
aviez vu le clergé de Samos tel qu’
il a été formé pendant les trente ans de
Mgr Gabriel vous verriez que
réellement il serait temps d’essayer
[d’] un autre que lui. Si vous voyez
le Patriarche tâchez non de l’influen-
cer, mais de l’éclairer, je me trouve
dans une situation tout aussi difficile
que lui. Et puis vous comprenez
les impatiences de gens qui n’ont [en]
qu’un mot à dire pour renverser le
Prince et qui se trouvent maintenant *** Note : *** mot non déchiffré.
par l’Evêque.
J’ai encore une autre prière à vous
faire. Ayez la bonté de voir S. E.
Fakhni Bey faites lui mes compli-
ments amicaux, et en même temps
soumettez lui le cas suivant. Je me
trouve vis-à-vis du Consul de Grèce
dans une situation qui n’est pas
normale. Personnellement nous sommes
très bien. Mais il a pris l’habitude
de se mêler d’affaires qui ne sont
pas de son ressort. Cela n’est ni dans
l’intérêt des Samiens ni dans celui
du Gv. Il [=Gouvernement Impérial] Il ne peut se consoler
d’en être réduit ici au rôle qu’il
ne croit pas assez brillant pour lui.
A la longue cela pourrait avoir
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des inconvénients. Ne pourrait-on
pas lui donner une autre destination.
Ce n’est pas à Mr Coudouriotis qu’
il faudrait s’adresser pour cela.
Mais à Athènes même. Je ne
voudrais pourtant pas causer des embarras
ni à S. E. ni au Ministre et
avant de rien mettre sur le tapis
je voudrais avoir son avis sur l’
opportunité d’une démarche à
faire à ce sujet si elle devenait
nécessaire : ce que je crains. Parlez-en
donc tout-à-fait confidentiellement
à S. E. et faites-moi parvenir
son avis.
En voilà assez pour aujourd’hui.
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Ma précédente ainsi que ma
présente sont bien longues. Mais
je n’ai pas le temps mon cher
d’être court.
Mes amitiés
AlCarathéodory