1915 - Les manuscrits de la vie
N. Lygeros
Traduit du Grec par A.-M. Bras
Achille : Pourquoi es-tu mort ici ?
Alexandre : On m’a oublié ici.
Achille : Qui ?
Alexandre : Mon peuple.
Achille : Qui est le peuple ?
Alexandre : L’oubli.
Achille : Et comment y résistes-tu ?
Alexandre : On m’a offert une cellule.
Achille : Sans clé ?
Alexandre : Sans barreaux.
Achille : Et pourquoi n’es-tu pas parti ?
Alexandre : Je ne savais pas où aller.
Achille : Retourner chez toi.
Alexandre : C’est ici chez moi. Dans l’oubli.
Achille : Et maintenant qu’attends-tu ?
Alexandre : Je t’attendais.
Achille : Moi ?
Alexandre : Et l’autre.
Achille : Mais pourquoi ?
Alexandre : C’est le seul qui ne peut pas oublier.
Achille : Oublier quoi ?
Alexandre : Ton oubli. Pourquoi n’es-tu pas venu plus tôt ?
Achille : J’avais du travail.
Alexandre : Et maintenant ?
Achille : Maintenant je t’ai.
Alexandre : Tu reviendras ?
Achille : Je ne sais pas. Un temps. Peut-être.
Alexandre : Je t’attendrai.
Achille : Mais pourquoi ?
Alexandre : Je n’ai personne d’autre.
Achille : Tu as tes souvenirs.
Alexandre : J’ai aussi ta vie.
Achille : Moi je mourrai.
Alexandre : Alors nous serons plus près.
Achille : Plus près de quoi ?
Alexandre : De la corbeille.